Airs de Cour

comprenans le tresor des tresors,
la fleur des fleurs & eslite des Chansons amoureuses.
extraictes des oeuvres non encor cy devant mises en lumière,
des plus fameux & renommez Poëtes de ce siècle.
A Poictiers par Pierre Brossart. M.DCVII.


Toutes les nuicts ma mignarde
Dit mon amy dormez vous ?
Puis d'une main frétillarde,
Me chatouille les genoux.
La la la ne riez pas tant
Vous en feriez bien autant

Une autre fois la fillette
Feignant resver parloit haut,
Esbransla tant la couchette :
Qu'ell' m'esveilla en seursaut.

Dieu sçay alors comm'elle ose
Hardiment me caresser,
Et manie tant mon chose
Qu'elle contraint de dresser.

Quoy voyant qu'elle est si prompte
De me baiser à propos,
Qu'il faut soudain que je monte,
Si je veux avoir le repos.

Vous verriez lors la follastre
Se manier cà & là,
Puis se pasme de s'esbattre,
Soudain qu'elle sent cela.

Hélas ! mon Dieu se dit elle
Que je regrette le temps,
Que j'ay esté pucelle :
Sans jouyr de ce printemps.

Celle est folle qui persiste
Et garde son chaste veu,
Puis que tout bonheur consiste
En ce doux & plaisant jeu.
La la la ne riez pas tant
Vous en feriez bien autant.