1. Elle avait ses quinze ans à peine
Quand ell' sentit battr' son coeur
Un beau soir, près du mec Gégène
Marinette a cru au bonheur.
C'était l' jour d' la fêt' nationale
Quand la bombe éclate en l'air
Elle sentit comme une lame
Qui lui pénétrait, dans la chair.
Par devant, par derrière,
Tristement comme toujours,
Sans chichis, sans manières,
Elle a connu l'amour
Les oiseaux dans les branches
En les voyant s'aimer
Entonnèr'nt la romance
Du quatorze juillet.
2. Mais quand refleurit l'aubépine,
Au premier souffl' du printemps,
Fallait voir la pauvre gamine
Mettre au monde un petit enfant.
Mais Gégène, qu' était à la coule
Lui dit: " Ton goss', moi j' m'en fous!
Si tu savais comm' je m' les roule
A ta plac' moi j' lui tordrais l' cou."
L'illustration est extraite de Chansons Cochonnes
Chansons estudiantines traditionnelles
adaptées en bandes dessinées par L-M
CARPENTIER - MALIK - JIDÉHEM - KOX
couleurs LAURENT album 48 pages cartonné couleur format 22-29cm Editions Topgame
Par devant, par derrière,
Tristement comm' toujours,
Fallait voir la pauvr' mère,
Avec son goss' d' huit jours,
En fermant les paupières
Ell' lui tordit l' kiki
Et dans l' trou des ouatères
Ell' jeta son petit.
3. Mise au banc de la cour d'assises
Et de c'ui de la société
Ell' fut traitée de fill' soumise
A la veill' du quatorze juillet.
Elle entendait son petit gosse
Qui appelait sa maman
Tandis que le verdict atroce
La condamnait au bagn' pour vingt ans.
Par devant, par derrière,
Tristement comme toujours,
Elle est mort' la pauvr' mère
A Cayenne un beau jour,
Morte avec l'espérance
De revoir son bébé
Dans la fosse d'aisance
Où ell' l'avait jeté.
Elle avait ses quinze ans à peine
Quand ell' sentit battr' son coeur
Un beau soir, près du mec Gégène
Marinette a cru au bonheur...
La chanson, par sa facture, semble dater de le fin du 19e ou du début du 20e siècle. Nous avons trouvé dans "La Musette", un texte que nous reproduisons ci-dessous.
Intitulé Devoir Maternel, il est dédié à Mademoiselle E... D... et dû à Eugène Paris de Vannes.
Le marteau de l'horloge, en ébranlant la nuit,
Avait depuis longtemps fait résonner minuit;
Et pourtant bien qu'elle eût travaillé sans relâche,
Rosine n'avait pas encor fini la lâche
Qu'il faillait accomplir pour que le lendemain
Elle puisse donner à son enfant du pain ...
La nuit, quand j'avais fait ma "pige" à la gazette
Et que je regagnais ma petite chambrette,
Elle était au travail, et souvent le soleil
Se levait sans qu'elle eut pris sa part de sommeil.
. . . . . . . . . . . . . . . . . .
Elle avait vingt-cinq ans quand elle sentit battre
Son cœur aux doux propos d'un séduisant bellâtre,
Qui, mettant à profit un instant d'abandon,
L'offrit en holocauste au malin Cupidon ...
Mais le temps de l'amour, cette si douce chose,
Ne dura que le temps d'effeuiller une rose;
Car le beau séducteur, de sa paternité
Ne voulant pas avoir responsabilité,
S'enfuit fermant l'oreille aux voix de la nature,
Laissant à Dieu le soin de sa progéniture,
Puisse-t-il quelque jour connaitre le remords,
Demander son pardon et réparer ses torts ! ...
Mais au petit enfant il restait une mère
Qui, malgré ses tourments, et sa douleur amère.
Sut faire son devoir, et qui, depuis deux ans,
Impose le respect, même aux plus médisants,
Même à celui qui croit que l'honneur ne réside
Que chez la vierge au front gracieux et candide.
Il est temps d'en finir avec le préjugé,
Qu'entretient avec sein le haut et bas clergé,
Et de rendre l'estime à toute fille-mère
Affrontant les soucis et la noire misère,
Pour élever l'enfant d'un sinistre gredin
Qui, trop souvent, n'a plus pour elle que dédain.
Rien n'est digne, à mes yeux, comme une brave fille,
Remplissant son devoir de mère de famille,
Sans souci du mépris des méchants et des sots,
Du perfide venin des cuistres, des cagots.
Avec une fin moins tragique, l'histoire relatée ci-dessus est très proche de La romance du 14 juillet.
D'autre part nous avons retrouvé le texte d'une chanson datant de 1912 intitulé La p'tite Lilie ; les paroles sont de Ferdinand-Louis Bénech et la musique d'Eugène Gavel :
1. C'était un' gamin' de seize ans
Ayant perdu tous ses parents,
Une simple couturière
Sans toilette et sans manière,
Mais plus beaux que tous les trésors,
Elle avait de blonds cheveux d'or
Et des yeux bleus de mystère
Plus précieux encor.
Trottinant gentiment le matin, le soir,
Il fallait la r'garder passer sur l'trottoir,
Toute jolie,
La p'tit' Lilie
Et chacun se disait devant ses grands yeux,
Où semblait se r'fléter tout l'azur des cieux
C'est un ange qui passe dans la vie,
La p'tit' Lilie
2. Un beau jour sans penser à mal
Ell' fit connaissance dans un bal
D'un rôdeur de la barrière,
Ell' se donna toute entière.
Mais lui qu'aimait pas travailler
Il lui fit quitter l'atelier
En lui disant tu vas m' faire
Un meilleur métier.
Trottinant tristement quand venait le soir,
Il fallait la r'garder passer sur l' trottoir
Toujours jolie
La p'tit' Lilie
Et chacun se disait devant ses grands yeux
Où semblait se r'fléter tout l'azur des cieux
Ell' n'est pas fait' pour cette vie
La p'tit' Lilie
3. Mais bientôt elle en eut assez
Alors ell' voulut se sauver
C'était l'heure où l' gaz s'allume
Il la suivit dans la brume.
Lâch'ment, comme une brute, dans le dos
Il lui planta son grand couteau,
Ell' tomba sur le bitume
Sans dire un seul mot
Un agent qui faisait sa tournée le soir,
La trouva étendue morte sur le trottoir
Toujours jolie
La p'tit' Lilie
Car la mort avait mis dans ses grands yeux bleus
Un sourir' comme en ont les ang's dans les cieux,
Elle est r'montée dans sa patrie
La p'tite Lilie
Tout comme la Romance, il s'agit d'une valse lente, la chanson compte également 3 couplets avec refrains différents. La mélodie est totalement différente mais il est très fréquent que la tradition orale modifie et simplifie profondément celle-ci. De même dans les diverses interprétations, les paroles ont parfois été légèrement modifiées. Par contre l'histoire est très proche de notre "Romance du 14 juillet"; seul manque l'enfant mais il est très vraisemblable que pour en permettre la diffusion, elle a été volontairement édulcorée.
Les interprètes se sont succédé depuis Georges Vorelli (1883-1932) jusqu'à Lina Margy (1909-1973) en passant par Jean Lumière (1895-1979) et Annie Flore (1912-1985).
Il semble donc s'agir de l'ancêtre direct de la Romance.
La Romance du 14 juillet est ce que l'on appelait une chanson d'atelier; cela est également confirmé par sa présence sur un disque éponyme de Pierre Chapo.
En voici une version interprétée par le groupe Les souliers à bascule (http://souliersabascule.canalblog.com/).
1. Comme ell' n'avait qu'seize ans à peine
Ell' sentit battre son coeur
Un beau jour, Paulot, mon Bébert
La pauvrette avait cru au bonheur.
C'était l' jour d' la fêt' nationale
Ousque la bomb' pète en l'air
Ell' sentit comme un grand coup d'flamme
Un frisson qui pénétrait sa chair.
Par devant, par derrière,
Tristement comme toujours,
Sans chichis, sans manières,
Elle a connu l'amour
Les oiseaux dans les branches
En les voyant s'aimer
Entonnèr'nt la romance
Du quatorze juillet.
2. Mais quand refleurit l'aubépine,
Au premier souffle du printemps,
Fallait voir la pauvre gamine
Mettre au monde un tout petit enfant.
Mais Bébert, qu' est l' type à la coule
Lui dit: " Ton morpion, moi j' m'en fous!
Tu peux l' fair', moi j' me les roule
A ta plac' je lui tordrais le cou."
Par devant, par derrière,
Tristement comm' toujours,
Fallait voir la pauvr' mère,
Et son goss' de huit jours,
En fermant les paupières
Ell' lui tordit l' kiki
Et dans l' trou des ouatères
Elle a jeté son p'tit.
3. Mise au banc de la cour d'assises
Comme à c'ui d' la société
Ell' fut traitée de fill' soumise
Au lend'main du quatorze juillet.
En entendant l' verdict atroce
Qui la condamn' au bagn' pour vingt ans.
Elle songeait son pauvre gosse
Qu'ell' ne reverrait plus maintenant
Par devant, par derrière,
Tristement comme toujours,
Elle est mort' la pauvre mère
A Cayenne un beau jour,
Morte avec l'espérance
De revoir son bébé
Dans la fosse d'aisance
Là ousqu'ell' l'avait mis.
Mentionnons également une version assez différente, à connotation très parisienne, chantée par la chorale Cucec de Clermont-Ferrand.
1. Alle avait ses seize ans à peine
All' sentit battre son coeur
Un beau soir, pour le mec Eugène
Marinette a cru au bonheur.
Et le soir d' la fêt' nationale
Quand la bombe s'pète en l'air
All' sentit au contact(e) du mâle
Un frisson lui parcourir la chair.
Par devant, par derrière,
Tristement comme toujours,
En fermant les paupières,
Alle a connu l'amour
Les oiseaux dans les branches
En les voyant s'aimer
Entonnèr'nt la romance
Du quatorze juillet.
2. Mais quand refleurit l'aubépine,
Au premier jours du printemps,
Hélas, la pauvre gamine
Mit au monde un petit enfant.
Mais l'Ugène, qu'est un mec à la coule
Lui dit: " Ton lardon, j' m'en fous!
Tu l'a fait, maint'nant, j' me les roule
A ta plac', je lui tordrais le cou."
Par devant, par derrière,
Tristement comm' toujours,
Fallait voir la pauvr' mère,
Et son goss' de huit jours,
Sans chichis, sans manières
Alle y a tordu l' kiki
Et dans l' trou des vatères
Alle a jeté son petit.
3. Mise au banc de la cour d'assises
Comme à c'ui de la société,
La jeun' femm' fut tendre et soumise
Un beau soir du quatorze juillet.
All' croyait entendre son gosse
Qui appelait sa maman
En entendant l' verdict atroce
Qui la condamne au bagn' pour quinze ans.
Par devant, par derrière,
Tristement comme toujours,
Alle est mort' la pauvr' mère
A Cayenne un beau jour,
Morte dans l'espérance
D'entendre son bébé
Lui chanter la romance
Du quatorze juillet.
La partition a été publiée en février 1948 dans l'Universitaire médical, journal du cercle de Médecine de l'ULB. On notera l'absence du nom de l'auteur. Manque également la première moitié du premier couplet !
L'ancien rédacteur de cette revue, Léon Keimeul, s'est prétendu l'auteur de la chanson; il l'aurait écrite à l'occasion d'une visite, à l'ULB d'étudiants français de médecine. Rien ne confirme cette information, bien au contraire.
En effet, nous avons retrouvé cette chanson dans deux bréviaires datés de 1947: le premier, un bréviaire français, intitulé 69 chansons et le second, Tonus, un bréviaire suisse publié à Lausanne.
Une autre source, que nous n'avons pas pu vérifier, figure dans l'humour lyonnais publié en 1981 ; on peut y lire : "Les paroles de la romance du 14 juillet ont été très exactement composées le 13 juillet 1932, nous écrivait le Dr Guy Bertrand, en 1964".