Quatre-vingts chasseurs
	
		
	
	
		Harmonisation : Robert Ledent
		MP3 : Chorale de l'ULB 
	Voir la 
partition
	 
	
		Au rendez-vous de la marquise
		Nous étions quatre-vingts chasseurs
		Au rendez-vous de la marquise
		Nous étions quatre-vingts chasseurs
		
		| Quatre-vingts (quater) Quatre-vingts chasseurs!
 
 | } | (bis) | 
		
	 
	 
	
	L'illustration est extraite de Chansons Cochonnes
	Chansons estudiantines traditionnelles adaptées en bandes
	dessinées par L-M CARPENTIER - MALIK - JIDÉHEM - KOX
	couleurs LAURENT album 48 pages cartonné couleur
	format 22-29cm publié aux
	Editions Topgame
 	
	
		1. A l'ouverture de la chasse
		Dans un château riche en gibier,
		Riche en gibier,
		Une marquise aux fins limiers
		Invita des chasseurs en masse
		Bientôt l'on vit tous les chasseurs
		Accourir sans mêm' qu'on leur dise
		
	
	
		2. Encouragés par notre belle
		Nous abattîm's plus d'un faisan,
		Plus d'un faisan
		Quand un sanglier menaçant
		Vint à s'élancer dessus elle
		Malgré sa rage et sa fureur
		Nous l'obligeâm's à lâcher prise
		Car pour défendre la marquise...
		
	
	
		3. Après cette attaque effroyable,
		Dit la marquise il faut rentrer,
		Il faut rentrer;
		Ce n'est pas tout de s'illustrer,
		Il faut aussi manger et boire
		En avant les vins, les liqueurs
		Et la nappe était déjà mise
		A la table de la marquise...
		
	
	
		4. Quand on eut savouré l' champagne
		Nous fûmes dispos à l'amour,
		Spos à l'amour
		Chacun voulut, chacun son tour,
		Embrasser l'aimable compagne
		Nous étions tous de belle humeur
		Et la belle était déjà grise
		Et dans le lit de la marquise...
		
	
	
		5. Après cette histoire mémorable
		Notre marquis' neuf mois plus tard,
		Neuf mois plus tard.
		Nous mit au monde un beau bâtard
		Un homme aujourd'hui redoutable
		De ses jours ignorant l'auteur
		Il demanda qu'on l'en instruise
		Tu es, lui dit notre marquise,
		Le fils de quatre-vingts chasseurs...
		
	
 
	Blotti au pied de l'église St.Julien-le-Pauvre, le très parisien Caveau des Oubliettes égrène depuis bien des années d'authentiques chansons traditionnelles françaises.
	C'est là que Robert Ledent entendit, avant 1940, cette chanson recueillie par Marcel François, directeur du Caveau. Le soir même il achetait la partition, harmonisée par Jacques Mendel, et la ramenait à Bruxelles.
	Elle avait déjà été interprétée par Lafrank au "Caveau des Oubliettes", puis par la Houppa (1933), par Eugénie Buffet (1934), et par la suite par Marcel Nobla au « Lapin Agile » (1950), par Bordas (1956), par l'Equipe du Caveau de la Bolée (1962), par les Charlots (1971), par les Joyeux Buveurs (1972) et bien d'autres, notamment la Chorale de l'ULB.
	
	Théo Staub suggère que le texte puisse dériver d'un Noël de Henri Murger (1850) qui a inséré dans son œuvre un pastiche de deux vers de Théodore de Banville. Ce poème, Le Noël de 1850 sous-titré "Chez M. Philoxène Boyer", se trouve dans  Le Parnasse satyrique du dix-neuvième siècle, édition non datée (1864), publiée à l'enseigne des sept péchés capitaux à Rome (en réalité par Poulet-Malassis à Bruxelles); on le retrouve dans L'œuvre libertine des Poètes de XIXe siècle de Germain Amplecas (pseudonyme de Guillaume Apollinaire).
	Nous en extrayons un des 7 couplets:
	
 
	Mogador rit quand on l'acclame
	Et se dévêt royalement.
	Je voudrais être son amant.
	Son beau corps vaut mieux que son âme,
	Ses tétons aux roses couleurs
	Me mettent la braguette en peine.
	Dans les salons de Philoxène
	Nous étions quatre-vingts rimeurs
	
	C'est en réalité le pastiche d'un poème de Victor Hugo: Chanson de pirates; ce texte a été mis en musique par  Daniel Goyone, ensuite par Maurice Vander(pseudonyme de Maurice Camille Gustave Vanderschueren) et interprété par Claude Nougaro . On cite également une jolie mélodie de Gérard-André Gaillard.
	
Voici le poème de Victor Hugo in les Orientales, 12 mars 1828 :
 
	
		1. Nous emmenions en esclavage
		Cent chrétiens pêcheurs de corail;
		Nous recrutions pour le sérail
		Dans tous les moutiers (1) du rivage.
		En mer, les hardis écumeurs!
		Nous allions de Fez à Catane...
		Dans la galère capitane
		Nous étions quatrevingts rameurs.
		
	
	
		2. On signale un couvent à terre.
		Nous jetons l'ancre près du bord.
		A nos yeux s'offre tout d'abord
		Une fille du monastère.
		Près des flots, sourde à leurs rumeurs,
		Elle dormait sous un platane...
		Dans la galère capitane
		Nous étions quatrevingts rameurs.
		
	
	
		3. - La belle fille, il faut vous taire,
		Il faut nous suivre.  Il fait bon vent.
		Ce n'est que changer de couvent,
		Le harem vaut le monastère.
		Sa hautesse aime les primeurs,
		Nous vous ferons mahométane...
		Dans la galère capitane
		Nous étions quatrevingts rameurs.
		
	
	
		4. Elle veut fuir vers sa chapelle.
		- Osez-vous bien, fils de Satan?...
		Nous osons! dit le capitan.
		Elle pleure, supplie, appelle.
		Malgré sa plainte et ses clameurs,
		On l'emporta dans la tartane (2) ... 
		Dans la galère capitane
		Nous étions quatrevingts rameurs.
		
	
	
		5. Plus belle encor dans sa tristesse,
		Ses yeux étaient deux talismans.
		Elle valait mille tomans (3);
		On la vendit à sa hautesse.
		Elle eut beau dire : Je me meurs!
		De nonne elle devint sultane...
		Dans la galère capitane
		Nous étions quatrevingts rameurs.
		
	
 
	
	(
1) moutier ou moustiers =  monastère et plus généralement couvent, église
	(
2) tartane = petit bâtiment de pêche et de cabotage à voile latine, en usage autrefois sur les côtes méditerranéennes
	(
3) toman = ancienne monnaie d'or de la Perse valant  dix mille unités 
	
	
Il existe par ailleurs une version italienne de ce succès des bals universitaires, ce qui prouve que la culture souterraine peut passer les Alpes; la tradition de chanter Quatre-vingts Chasseurs à califourchon sur une chaise s'y retrouve aussi.
	Quant au champagne, on trouve différentes versions: on peut le sabler (faire un à fond), le sabrer (faire sauter le bouchon au moyen d'un sabre); nous avons choisi de le savourer rendant ainsi à ce nectar l'hommage  qui lui était dû.
	
	D'après l'édition des Fleurs du Mâle par le GRACE (1984)
et diverses autres sources.
	
	La référence au poème de Victor Hugo est confirmée dans le Nouveau Parnasse satyrique du dix-neuvième siècle édité en 1866 par Eleutheropolis - Aux devantures des libraires ailleurs dans leurs arrière-boutiques.
	En effet à la page 42 de l'édition de 1866, on trouve La buvette de Fanchette Air : Dans la galère capitane (musique de Galby).
	
 
	Cette fois les 80 rameurs sont ramenés à 25 ravageurs !
	
	Ce n'est qu'en 1913, dans un ouvrage de Louis Pergaud, intitulé Le roman de Miraut, chien de chasse qu'on trouve les chasseurs. Il mentionne la chanson :
	Et dans le lit de la marquise
	Nous étions quatre-vingts chasseurs.
 
et la classe parmi les vieilles chansons de chasse aux airs bien connus
	Si ce chant est passé en Italie, c'est plus que probablement en traversant la Suisse. On l'y retrouve chez un groupe dénommé Trompes Saint Hubert de Delémont, dans une version abrégée légèrement différente.
	
		1. A l'ouverture de la chasse
		Dans un pays riche en gibier
		Riche en gibier
		Une marquise aux fins limiers
		Dont l'esprit égalait la grâce
		Invita de nombreux chasseurs
		Mais quelle fut notre surprise
		Au rendez-vous de la marquise
		Nous étions quatre-vingt chasseurs
		80, 80, 80, 80, 80 chasseurs
		Qui n'avaient pas peur.(bis)
		
	
	
		2. Allons chasseurs vite en campagne
		Dit la marquise, il faut partir,
		Il faut partir
		Que chacun suive son plaisir
		Le son du cor vous accompagne
		En avant, des cris, des clameurs
		Plus d'une biche fut surprise
		Car dans les bois de la marquise
		Nous étions quatre-vingts chasseurs
		80, 80, 80, 80, 80 chasseurs
		Qui n'avaient pas peur.(bis)
		
	
	
		3. Quand la journée fut terminée
		Que chacun songe à ses amours
		A ses amours
		La marquise dans ses beaux jours
		Par tous alors fut convoitée
		Chacun d'eux obtint ses faveurs
		Car la noble dame était grise
		Et dans le lit de la marquise
		Nous étions quatre-vingts chasseurs
		80, 80, 80, 80, 80 chasseurs
		Qui n'avaient pas peur.(bis)
		
	
	
		4. Après cette nuit mémorable
		La marquise, neuf mois plus tard,
		Neuf mois plus tard
		Accoucha d'un joli moutard
		Aujourd'hui veneur redoutable
		De ses jours ignorant l'auteur
		L'enfant voulut qu'on l'en instruise
		Tu es, lui dit notre marquise
		L'enfant de quatre-vingts chasseurs
		80, 80, 80, 80, 80 chasseurs
		Qui n'avaient pas peur.(bis)
		
	
 
	Signalons une autre version suisse joliment écrite; elle est chantée dans le canton de Vaud:
 
	
		1. A l'ouverture de la chasse
		Une marquis'au frais minois
		A traquer le cerf dans les bois
		Invita ses amis en ma-a-a-a-se
		Rabatteurs piqueurs et sonneurs
		Tous vinrent en fendant la bi---se
		Au rendez-vous de la marquise ...
		
	
	
		2. Allons chasseurs vit'en campagne
		Dit la marquis'en s'élançant
		La cravache dans son gant blanc
		Le son des cors nous accompagne
		On entendit des cris vainqueurs
		Car au loin la bête était prise
		Faisant suit'à notre marquise...
		
	
	
		3. Pour célébrer notre victoire
		Dis la marquis'en mon château
		Tous rentrons vit'au grand galop
		Car il nous faut manger et boire
		Que les bons vins grisent nos cœurs
		Et que la gaïté soit de mise
		A la table de la marquise...
		
	
	
		4. Après ce repas magnifique
		Tous les chasseurs brûlaient d'amour
		Bientôt la marquis'à son tour
		Soudain eut un désir lubrique
		Chacun d'entr'eux lui prit le cœur
		A deux trois et quatre reprises
		Car dans le lit de la marquise...
		
	
	
		5. Ce fut une nuit de folie
		La marquise 9 mois plus tard
		Mit au mond'un petit moutard
		A la mine fraîche et réjouie
		De ses jours ignorant l'auteur
		Il demanda que l'on lui dise
		Tu es lui dit notre marquise
		Le fils de quatre-vingts chasseurs...
		
	
 
Les quatre-vingts chasseurs ou, plus précisément la Marquise qui les accueillait si généreusement, ont également été mis à l'honneur dans certains corps d'armée.
Le Capitaine (H) Francis JOSSE nous signale que le refrain du 7ème Régiment de Chasseurs reprend deux vers syllabiques du premier couplet des "Quatre-vingts chasseurs".
Au rendez-vous de la Marquise,
Il y avait le 7ème Chasseurs
Le Chef de Musique Félix BOYER (l'auteur de "C'est nous les Africains") a ajouté "Au rendez-vous de la Marquise" au répertoire du 7ème Régiment de Chasseurs d'Afrique. Ce légendaire régiment, formé en 1943 à BEN CHICAO - Algérie - à partir des Chantiers de la Jeunesse Française d'A.F.N. est l'un des deux "ancêtres" du 7ème Régiment de Chasseurs - l'autre étant le célèbre 7ème Régiment de Chasseurs à Cheval.
Nos anciens ont donc chanté "Au rendez-vous de la Marquise" en Afrique du Nord, Italie, France, Allemagne, jusqu'en 1946, pendant toute la campagne du glorieux 7ème Régiment de Chasseurs d'Afrique (source Président Alain ABDI).
Le Général (2S) Bernard BONAVENTURE, alors Chef de Corps du 7ème Régiment de Chasseurs d'ARRAS de 1980 à 1982, a eu l'heureuse idée à sa prise de commandement de perpétuer la tradition déjà en vigueur, à savoir reprendre les premières mesures du refrain "Au rendez-vous de la Marquise" comme "indicatif" officiel de son régiment. Les "quatre-vingts chasseurs" ont reçu du renfort. Aux rendez-vous de la Marquise il y a dorénavant "le 7ème Chasseurs" au complet ! L'Amicale se fait devoir d'en perpétuer le souvenir et les traditions.
D'autres formations militaires ont chanté ou sonné (trompette, clairon, cor, trompe) "la Marquise et ses Chasseurs"
- le 2ème de Chasseurs d'Afrique chantait « la Marquise  » en A.F.N. (source ADC Trompette-Major Georges LEMOINE),
- le 3ème de Chasseurs d'Afrique chantait « la Marquise  » en A.F.N. (source Président Gilbert ROUSSEAU - La Gandoura), 
- le 12ème de Chasseurs à Sedan, régiment frère, chantait « la Marquise » en 1977 (disque 45 t. du chœur des Lieutenants), 
- les Chasseurs à Pied et Alpins ont chanté et chantent encore « la Marquise » (source Colonel Lucien SUCHET, Président), 
- à Périgueux (5ème/9ème de Chasseurs) toutes les festivités commencent par ce chant (source LCL Guy BESSON Président).
Tous les renseignements d'ordre militaire nous ont aimablement été communiqués
par le Capitaine (H) Francis JOSSE.
Dans un tout autre ordre d'idées, signalons que dès 1954, les Quatre-vingts chasseurs ont été traduit en esperanto par M.Roger Bernard (1907-1997) qui est l'auteur de traductions de nombreuses chansons françaises et allemandes. Le titre est Ĉe l'rendevu' de l'markizino; en voici le texte:
 
	
Refrain :
Jen ĉasistoj, ni okdek-tri.
Ĉe l'rendevu' de l'markizino
Jen ĉasistoj, ni okdek-tri.
Okdek-tri (quater)
Okdek-un', du, tri
Okdek-tri (quater)
Okdek-un', du, tri
...Kun artileri'!
	
	
		1. Ĉe la malferm'de l'ĉassez-o-o-o-ono
		Freŝa kaj pimpa markiz-i-i-i-i-in'
		Petis amikojn treni sin
		Por ĉas' al cerv', ne al le-o-ono
		Tuta l'ĉasista koteri'
		Alvenis kun la pafmaŝi-i-i-ino
		Ĉe l'rendevu' de l'markizino...
		
	
	
		2. Kaj nun antaùen do, sinjo-o-o-oroj
		Diris la markizin' kun ve-e-e-e-erv'
		Brave, ni kuru ek al cerv'
		Nin gvidas kupraj kornsono-oroj
		Baldaù aùdiĝis venka kri'
		Por l'besto venis jam la f-i-i-i-ino
		Eskorte al la markizino...
		...Jen kavaleri'!
		
	
	
3. Estu festata nia v-e-e-e-enko
Diria la markizin' sen pl-i-i-i-i-i-i
Al la kastel' galopu ni
Por manĝi, trinki ĝis kont-e-ento
Portu nin vinoj ĝis ebri'
Gajecon nur en nia s-i-i-i-ino
Kaj ĉe la tabl' de l'markizino...
...Sen hipokondri'!
	
	
4. Post al mirinda festmen u-u-u-uo
En la ĉasistoj ardia j-u-u-u-u-un'
Ankaù la markizino nun
Inklinis al voluptoĝ u-u-uo
Ĉiu dufoje kaj eĉ tri
Ŝin ravis ĝis plezurkulm i-i-i-ino
Ĉar en la lit' de l'markizino...
...Kia pafersi'!
	
	
5. Estis vesper' frenezopl-e-e-e-ena
Post naù monatoj l'markiz-i-i-i-i-in'
Tutsola akuŝigis sin
De bubo rond- kaj freŝ-mi-e-ena
Sed iam li demandis pri
La patro, lia orig-i-i-i-i-inn
Filo vi, diris l'markizino
De ĉasistoj nur okdek-tri...
...Kun kor-bateri'!
	
 
Pour la prononciation, rappelons que : ĉ = tch, ĝ = dj, ŝ = ch.
Remarque: dans la version espérantiste les 80 chasseurs sont devenus 83, comme il est dit au refrain ! Toutefois, il semble que répéter plusieurs fois "okdek-tri" est plus malaisé que répéter plusieurs fois "quatre-vingts". Qu'en pensez-vous ?
Texte aimablement communiqué par Mme Hélène Falk-Bracke.
Terminons sur un point d'interrogation. Dans 
Les trompettes de la renommée, Georges Brassens chante:
En criant sur les toits, et sur l'air des lampions:
"Madame la marquis' m'a foutu des morpions !" ?
Qui pouvait donc bien être cette marquise ? Était-ce la nôtre ?