Airs de Cour

comprenans le tresor des tresors,
la fleur des fleurs & eslite des Chansons amoureuses.
extraictes des oeuvres non encor cy devant mises en lumière,
des plus fameux & renommez Poëtes de ce siècle.
A Poictiers par Pierre Brossart. M.DCVII.


Un Bergerot gaillard & beau
Rencontra dans la bergerie,
Voulant establir son troupeau,
Le Bergere triste & marrie :
Mais il ne laissa pour cela
De luy vouloir faire cela,
Elle luy dit te veux-tu taire
Berger, que veux-tu faire hola,
Au moins, au moins devant mon père
Je te prie ne me fais cela.

Si de mon honneur tu as soing,
Helas ! je te pri' considere
Que mon vieux père n'est pas loing,
Il descouvriroit le mistere,
Ce n'est pas pour m'en excuser
Berger, ny pour te refuser :
Puis luy a dit te veux-tu taire
Berger, que veux-tu faire ? hola,
Au moins, &c.

Le Berger tousjours l'embrassoit,
Sous luy la tenant abbatuë,
Et si vivement la peassoit
Qu'en fin elle eust esté vaincuë :
Mais son pere qui survint la
Empescha qu'on ne fist cela,
Lors elle a dit te veux-tu taire
Berger, que veux-tu faire, hola,
Au moins, &c.

Le père pourtant fut deçeu,
Et ne cogneut point l'entreprise :
Car soudain qu'ils l'ont apperçeu
Les deux amants ont lasché prise,
Remettant à faire leur cas,
Quand le père ny seroit pas,
Et pour mieux desguiser l'affaire
Elle a dit au Berger hola,
Au moins, au moins devant mon père
Je te pri' ne fais cela.