Les filles de Camaret



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Harmonisation : Xavier Hubaut 
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MP3 : Les 4 barbus 

1. Les filles de Camaret
Se disent toutes vierges
} (bis)
Mais quand ell's sont dans mon lit,
Elles préfér'nt tenir mon vit
Qu'un cierge (ter)

2. "O, fille de Camaret,
Où est ton pucelage?"
"Il s'en est allé sur l'eau
Dans les bras d'un matelot,
Il nage" (ter)

3. Le maire de Camaret
Vient d'acheter un âne
Un âne républicain,
Pour enculer les putains
D' Bretagne! (ter)

4. "Mon mari que fais-tu là?
Tu me perces la cuisse
Faut-il donc que tu sois saoul,
Pour ne pas trouver le trou
Qui pisse" (ter)

5. Mon mari s'en est allé
À la pêche en Espagne
Il m'a laissée sans le sou
Mais avec mon petit trou
J'en gagne (ter)

6. Sur la plac' de Camaret,
Y a un' statue d'Hercule
Monsieur l' maire et m'sieur l'curé
Qui sont tous les deux pédés
L'enculent (ter)

7. Une simpl' supposition
Que tu serais ma tante
Je te ferais le présent
De l'andouille qui me pend
Z'au ventre (ter)

8. Les rideaux de notre lit
Sont faits de serge rouge
Mais quand nous sommes dedans
La rage du cul nous prend
Tout bouge (ter)

9. Le curé de Camaret
A les couilles qui pendent
Et quand il s'assoit dessus
Ell's lui rentrent dans le cul
Il bande (ter)

10. "Amélie si tu m'aimais,
Tu me ferais des nouilles
Et pendant qu'elles cuiraient
Tu me les chatouillerais
Les couilles" (ter)

11. Si les fill's de Camaret,
S'en vont à la prière
C' n'est pas pour prier l' Seigneur
C'est pour branler le prieur
Qui bande (ter)

12. La servante à M'sieur l' curé,
A le ventr' qui gargouille
C'est qu'elle en a trop mangé
De l'andouille à M'sieur l' curé
D' l'andouille (ter)

13. Au couvent de Camaret,
Il n'y a que d' vieill's nonnettes
Réservées à l'aumônier
Qui aime à les confesser
Il baise (ter)

14. Quand vous irez communier
Et qu' vous mordrez l'hostie
Prenez garde à Jésus-Christ
Mordez pas dans son zizi
Prudence (ter).

curé




L'illustration est extraite de
Chansons Cochonnes
Chansons estudiantines traditionnelles
adaptées en bandes dessinées par
L-M CARPENTIER - MALIK - JIDÉHEM - KOX
couleurs LAURENT
album 48 pages
cartonné couleur format 22-29cm
Editions Topgame

Un article, facétieusement intitulé Les dessous des filles de Camaret, paru en 2009 dans Le télégramme, nous apprend que cette chanson fête son centenaire et est, très vraisemblablement, due à Laurent Tailhade, un écrivain journaliste anarchiste. Nous en donnons un bref résumé ci-après.
C'est ce qui ressort des recherches historiques approfondies de Marcel Burel, ancien professeur de lettres classiques.

Depuis 1902, Laurent Tailhade a l'habitude de passer ses vacances d'été à Camaret.
Peu à peu, son opinion sur la ville et sa région change et il publie dans L'Action une série d'articles où il dénigre les sites remarquables de Camaret ainsi que l'attitude du curé Le Bras qui "mendie à domicile et quête en personne chez tous les baigneurs, accompagné d'une cinquantaine d'ivrognes qui stationnent devant les hôtels suspectés d'abriter des Parisiens".
Heureusement, ce journal est peu lu dans la région.

Au mois d'août 1909, deux quotidiens régionaux, La Dépêche (de Brest) et Le Télégramme, publient l'ensemble des articles de Laurent Tailhade qui, le 15 août à l'occasion de la fête de la Vierge, a placé un pot de chambre sur la fenêtre de sa chambre d'hôtel avant le passage de la procession.

Plus de 1800 Camaretois, choqués par la provocation anticléricale de Tailhade, protestent le 28 août devant l'hôtel de France en hurlant "A mort Tailhade", "A l'eau l'anarchiste".
Laurent Tailhade craint pour la vie de son épouse qui est déjà objet d'une chanson moqueuse. Il demande protection au procureur de la République de Châteaulin. Les gendarmes arrivent vers 3h du matin et permettent à Tailhade de quitter la ville sous les huées. Il se rend alors à Morgat.
Le 15 septembre, Tailhade se rend au Fret pour prendre le bateau et rejoindre Brest. Là, reconnu par des marins camaretois, il est menacé d'être jeté à l'eau et regagne Morgat.

Il dépose une plainte contre X, c'est-à dire contre les marins du Fret et contre les manifestants du 28 août. Le curé de Camaret avait également porté plainte pour les écrits "diffamatoires" de Tailhade.
L'affaire sera jugée en janvier aux assises de Quimper. Tailhade est acquitté; le curé s'en tire avec des remontrances.
Par la suite, Laurent Tailhade se vengera de Camaret en écrivant la chanson Les filles de Camaret.


L'anecdote est intéressante, mais...

Dans le manuscrit de Dallichamps datant de 1713, on trouve (avec l'orthographe originale !)

Janeton de tous les fruits
Ne mange que des pesches.
Je l'ay jetée sur le lit
Et la fripone m'a dit
Dépesche (ter)

Quand je suis aupres de vous
Chere petite tente
Je fais come les plus foux
Et le demon entre nous
Me tante (ter)

Margoton dans une cour
Plumait une poularde
Et Robin remply d'amour,
Dedans un petit détour
La larde (ter)

Belle Iris qu'il seroit doux
De ficher une colle
A votre mary jaloux
Qui ne veux pas que l'on vous
Cajolle (ter)

Mon mary s'en est allez
A Vienne en autriche
Il me deffend de baiser
Moy qui ne m'en puis passer
Je triche (ter)

Cette chanson semble avoir eu, pour l'époque, un succès retentissant. En effet, on trouve de nombreuses versions chantées sur l'air de "Jeanneton de tous les fruits".

Dans le 6e volume du Nouveau recueil de chansons choisies publié en 1732, on trouve une "chanson à couplets" mais la chanson dont l'incipit est "Quand je demande un secours" est une chanson bachique, pas grivoise pour un sou !
Le portrait et les aventures divertissantes du duc de Roquelaure publié en 1734 lui attribue, probablement à tort, une version légèrement différente de "Jeanneton de tous les fruits" déjà mentionné plus haut.

Janneton de tous les fruits
N'aime que les pêches.
Quand on lui porte des ....
Tout aussi-tôt elle dit,
Des pêches, des pêches.

Le Recueil des plus belles chansons et airs de cours publié en 1726 contient une chanson intitulée Hachis à la mode dont nous extrayons quelques couplets :

Mon mary s'en est allé
Voyager en Autriche
Il m'a défendu d'aimer
Mais ne pouvant m'en passer
Je triche (ter)

Et le mien s'en est allé
A Châlons en Champagne
Il m'a laissé sans argent
Mais à mon contentement
J'en gagne (ter)

Certain Blondin l'autre jour
Dit à une Coquette:
Je voudrais bien vous baiser ;
Monsieur, votre volonté
Soit faite (ter)

diabolo

Cette gravure, datant de la fin du XVIIIe siècle, atteste de la popularité de l' "air des fraises".
Elle illustre le nouveau jeu à la mode : le jeu du Diable ou le yo-yo chinois, connu actuellement sous le nom de diabolo.

On peut lire au bas de la gravure :

Air des Fraises
On joue à ce jeu charmant
Lorsque l’on est aimable
Vieillard en vain l’imitant
Envoie tout en murmurant
Au Diable, au Diable, au Diable.

Une curiosité datant de la révolution française. Un chant intulé : Avis aux Belges utilise le même air :

avis aux Belges



Mais, il y a encore plus ancien ! Dans le manuscrit du Chansonnier dit de Maurepas, on trouve des chansons où il est mentionné : Sur l'air des "rideaux de votre lit" ou "Jardinier, ne vois-tu pas ?" Voici le texte de la plus ancienne qui date de 1649.

maurepas1649


Le vaillant Duc de Beaufort
Que tout le monde adore;
A pourfendu, ce dit-on,
D'un grand coup d'estramaçon,
Un maure, un maure, un maure



Or devinez la vertu
De ce Diable de maure;
Quand Beaufort l'eut pourfendu,
Il couroit comme un perdu
Encore, encore, encore.


De nombreuses autres suivent, une en 1665 et plus d'une dizaine en 1666.

On en déduit que les chansons citées étaient très populaires et avaient le même timbre celui de : "Jardinier, ne vois-tu pas ?" ou "Les rideaux de votre lit"; plus tard, il sera souvent mentionné comme celui de l' "air des Fraises". Nous n'avons malheureusement pu retrouver les textes d'aucune de ces deux chansons.

On remarque dans "Les filles de Camaret", l'un des couplets commençant par "Les rideaux de notre lit". Il est d'une facture fort ancienne ; en effet, on y trouve l'expression aujourd'hui disparue : "la rage du cul" ! Voilà donc l'ancètre recherché. Il est fort possible, étant donné la structure très particulière de la chanson qu'il n'y avait aucun autre couplet.

En résumé, la chanson date d'avant 1649 et il est donc vraisemblable que Tailhade s'est borné à ajouter quelques couplets, spécifiquement camaretois, à cette chanson très populaire.

La structure de la chanson est fort simple : il s'agit de 4 vers de 7 pieds; les deux premiers peuvent être ou ne pas être bissés ; elle se termine par un vers de 3 syllabes répété 3 fois. De plus, les vers 3 et 4 riment; Le vers 2 rime toujours avec le vers final.

Etant donné que cette chanson est propre à des ajouts, cette simple observation permet déjà de détecter que les couplets 7, 11, 13 et 14 ne sont pas originaux. Enfin, dans les exemples anciens, le vers 1 rime presque toujours avec les vers 3 et 4. Ce n'est jamais le cas pour ceux dans lesquels apparaît Camaret. Ces couplets existaient eut-être et ont alors été adaptés ou bien ils ont été tout simplement ajoutés.

Quant à son timbre, il est noté dans le manuscrit de Dallichamps (1713). Il est repris pratiquement à l'identique (avec correction d'erreurs) dans La clé du caveau de 1811 sous le n° 725.

Bien qu'à première vue l'air puisse sembler assez différent de celui des Filles de Camaret, nous vous le proposons sous 3 formes (les deux premiers vers ne sont pas bissés) :

A l'audition, vous pouvez constater que cet air devient de plus en plus proche de l'air actuel.

Une dernière remarque au sujet de la mélodie.

Dans le numéro du 11 septembre 1854 du journal d'Alexandre Dumas, "Le Mousquetaire", Dumas écrit, en citant un extrait d'une lettre envoyée par un lecteur : Oui, c'est très bon ce que vous dites sur cette chanson des Fraises; mais laissez-moi vous faire remarquer aussi que vous ne savez rien en fait de musique. (Hélas! il a trois fois raison, l'anonyme !) cette chanson a été prise par M.Adolphe Adam dans le refrain populaire : "Marie, trempe ton pain Marie, trempe ton pain dans la sauce, etc.". Dumas continue en écrivant : "Cependant pour en revenir à l'air des Fraises, un de nos collaborateurs a fait une découverte curieuse. Tout en constatant le mélange de Marie, trempe ton pain, etc., il prouve, d'une manière irréfutable , que ce n'est autre chose qu'une charmante ronde bourguignonne, importé naguère à Paris par M. Charles Rolland, ancien rédacteur du Pays. Il ne s'agit plus seulement de la musique, mais on trouve encore de la parenté dans les paroles du poème."


Un petit clin d'oeil de Georges Brassens dans un des refrains des Quat'z'arts (1964)

Les quat'z'arts avaient fait les choses comme il faut
Le curé venait pas de Camaret, bravo !

et un autre de Hugues Auffray dans L'épervier:

L'épervier de ma colline
N'est pas un très bon chrétien
L'épervier de ma colline
Chante comme un vrai païen
Il connaît tous les couplets
Des filles de Camaret

Quant à Jacques Dutronc, il n'a pas de préférence. Dans "J"aime les filles", il chante:

J'aime les filles de la Rochelle
J'aime les filles de Camaret
J'aime les filles intellectuelles
J'aime les filles qui m'font marrer

S'il y en avait eu d'autres, son parolier Jacques Lanzmann aurait certainement trouvé la rime qui convenait.



Les filles de Camaret

adaptation de Bernard Gatebourse

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1. Les filles de Camaret
Se disent toutes belles
Mais quand on va-z-à Paris,
On en trouv' qui sont jolies
Plus qu'elles (ter)

2. Jean-Marie si tu m'aimais,
Tu me ferais la bise
Tu me donnerais des sous
Tu me dirais des mots doux
Qui grisent (ter)

3. Jean-Marie il est parti
À la pêche en Espagne (bis)
Il m'a laissée sans le sou
Mais en travaillant beaucoup
J'en gagne (ter)

4. Le maire de Camaret
A acheté un âne
Un âne républicain,
Qu'il fait brair' tous les matins
Pauvre âne! (ter)

5. Quand Jean-Marie reviendra
De la pêche en Espagne
Nous irons nous marier
Dans un petit prieuré
D' Bretagne. (ter)


Dans son recueil Succès musette, Raymond Boisserie entonne le sage refrain suivant:

Les filles de Camaret
prient la bonne Vierge
Pour avoir un bon mari
Elles brûl'nt au bon dieu aussi
Un cierge (ter)