1. Les filles de Camaret Se disent toutes vierges |
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L'illustration est extraite de
Chansons Cochonnes
Chansons estudiantines traditionnelles
adaptées en bandes dessinées par
L-M CARPENTIER - MALIK - JIDÉHEM - KOX
couleurs LAURENT
album 48 pages
cartonné couleur format 22-29cm
Editions Topgame
Un article, facétieusement intitulé Les dessous des filles de Camaret, paru en 2009 dans Le télégramme, nous apprend que cette chanson fête son centenaire et est, très vraisemblablement, due à Laurent Tailhade, un écrivain journaliste anarchiste. Nous en donnons un bref résumé ci-après.
C'est ce qui ressort des recherches historiques approfondies de Marcel Burel, ancien professeur de lettres classiques.
Depuis 1902, Laurent Tailhade a l'habitude de passer ses vacances d'été à Camaret.
Peu à peu, son opinion sur la ville et sa région change et il publie dans L'Action une série d'articles où il dénigre les sites remarquables de Camaret ainsi que l'attitude du curé Le Bras qui "mendie à domicile et quête en personne chez tous les baigneurs, accompagné d'une cinquantaine d'ivrognes qui stationnent devant les hôtels suspectés d'abriter des Parisiens".
Heureusement, ce journal est peu lu dans la région.
Au mois d'août 1909, deux quotidiens régionaux, La Dépêche (de Brest) et Le Télégramme, publient l'ensemble des articles de Laurent Tailhade qui, le 15 août à l'occasion de la fête de la Vierge, a placé un pot de chambre sur la fenêtre de sa chambre d'hôtel avant le passage de la procession.
Plus de 1800 Camaretois, choqués par la provocation anticléricale de Tailhade, protestent le 28 août devant l'hôtel de France en hurlant "A mort Tailhade", "A l'eau l'anarchiste".
Laurent Tailhade craint pour la vie de son épouse qui est déjà objet d'une chanson moqueuse. Il demande protection au procureur de la République de Châteaulin. Les gendarmes arrivent vers 3h du matin et permettent à Tailhade de quitter la ville sous les huées. Il se rend alors à Morgat.
Le 15 septembre, Tailhade se rend au Fret pour prendre le bateau et rejoindre Brest. Là, reconnu par des marins camaretois, il est menacé d'être jeté à l'eau et regagne Morgat.
Il dépose une plainte contre X, c'est-à dire contre les marins du Fret et contre les manifestants du 28 août. Le curé de Camaret avait également porté plainte pour les écrits "diffamatoires" de Tailhade.
L'affaire sera jugée en janvier aux assises de Quimper. Tailhade est acquitté; le curé s'en tire avec des remontrances.
Par la suite, Laurent Tailhade se vengera de Camaret en écrivant la chanson Les filles de Camaret.
Dans le manuscrit de Dallichamps datant de 1713, on trouve (avec l'orthographe originale !)
Cette chanson semble avoir eu, pour l'époque, un succès retentissant. En effet, on trouve de nombreuses versions chantées sur l'air de "Jeanneton de tous les fruits".
Dans le 6e volume du Nouveau recueil de chansons choisies publié en 1732, on trouve une "chanson à couplets" mais la chanson dont l'incipit est "Quand je demande un secours" est une chanson bachique, pas grivoise pour un sou !
Le portrait et les aventures divertissantes du duc de Roquelaure publié en 1734 lui attribue, probablement à tort, une version légèrement différente de "Jeanneton de tous les fruits" déjà mentionné plus haut.
Cette gravure, datant de la fin du XVIIIe siècle, atteste de la popularité de l' "air des fraises".
Elle illustre le nouveau jeu à la mode : le jeu du Diable ou le yo-yo chinois, connu actuellement sous le nom de diabolo.
On peut lire au bas de la gravure :
Une curiosité datant de la révolution française. Un chant intulé : Avis aux Belges utilise le même air :
On en déduit que les chansons citées étaient très populaires et avaient le même timbre celui de : "Jardinier, ne vois-tu pas ?" ou "Les rideaux de votre lit"; plus tard, il sera souvent mentionné comme celui de l' "air des Fraises". Nous n'avons malheureusement pu retrouver les textes d'aucune de ces deux chansons.
On remarque dans "Les filles de Camaret", l'un des couplets commençant par "Les rideaux de notre lit". Il est d'une facture fort ancienne ; en effet, on y trouve l'expression aujourd'hui disparue : "la rage du cul" ! Voilà donc l'ancètre recherché. Il est fort possible, étant donné la structure très particulière de la chanson qu'il n'y avait aucun autre couplet.
En résumé, la chanson date d'avant 1649 et il est donc vraisemblable que Tailhade s'est borné à ajouter quelques couplets, spécifiquement camaretois, à cette chanson très populaire.
La structure de la chanson est fort simple : il s'agit de 4 vers de 7 pieds; les deux premiers peuvent être ou ne pas être bissés ; elle se termine par un vers de 3 syllabes répété 3 fois. De plus, les vers 3 et 4 riment; Le vers 2 rime toujours avec le vers final.
Etant donné que cette chanson est propre à des ajouts, cette simple observation permet déjà de détecter que les couplets 7, 11, 13 et 14 ne sont pas originaux. Enfin, dans les exemples anciens, le vers 1 rime presque toujours avec les vers 3 et 4. Ce n'est jamais le cas pour ceux dans lesquels apparaît Camaret. Ces couplets existaient eut-être et ont alors été adaptés ou bien ils ont été tout simplement ajoutés.
Quant à son timbre, il est noté dans le manuscrit de Dallichamps (1713). Il est repris pratiquement à l'identique (avec correction d'erreurs) dans La clé du caveau de 1811 sous le n° 725.
Bien qu'à première vue l'air puisse sembler assez différent de celui des Filles de Camaret, nous vous le proposons sous 3 formes (les deux premiers vers ne sont pas bissés) :
Une dernière remarque au sujet de la mélodie.
Dans le numéro du 11 septembre 1854 du journal d'Alexandre Dumas, "Le Mousquetaire", Dumas écrit, en citant un extrait d'une lettre envoyée par un lecteur : Oui, c'est très bon ce que vous dites sur cette chanson des Fraises; mais laissez-moi vous faire remarquer aussi que vous ne savez rien en fait de musique. (Hélas! il a trois fois raison, l'anonyme !) cette chanson a été prise par M.Adolphe Adam dans le refrain populaire : "Marie, trempe ton pain Marie, trempe ton pain dans la sauce, etc.". Dumas continue en écrivant : "Cependant pour en revenir à l'air des Fraises, un de nos collaborateurs a fait une découverte curieuse. Tout en constatant le mélange de Marie, trempe ton pain, etc., il prouve, d'une manière irréfutable , que ce n'est autre chose qu'une charmante ronde bourguignonne, importé naguère à Paris par M. Charles Rolland, ancien rédacteur du Pays. Il ne s'agit plus seulement de la musique, mais on trouve encore de la parenté dans les paroles du poème."
Un petit clin d'oeil de Georges Brassens dans un des refrains des Quat'z'arts (1964)
Les filles de Camaret
adaptation de Bernard Gatebourse
Dans son recueil Succès musette, Raymond Boisserie entonne le sage refrain suivant: