L'illustration est extraite de
Chansons Cochonnes
Chansons estudiantines traditionnelles
adaptées en bandes dessinées par L-M
CARPENTIER - MALIK - JIDÉHEM - KOX
couleurs LAURENT album 48 pages
cartonné couleur format 22-29cm
Editions Topgame
Cette chanson très populaire a notamment été interprétée par Bordas en 1956, les Quatre Barbus en 1957 et les Cadets de Bourgogne.
Parfois dénommée "Chant des Marie-Louise", l'aimable Fanchon est une chanson de garnison communément attribuée à Antoine-Charles-Louis, comte de Lasalle (10 mai 1775 - 6 juillet 1809), officier du premier Empire, fondateur de la Société des Assoiffés (ou des Altérés), qui l'aurait composée au soir de la bataille de Marengo, le 25 prairial an VIII (14 juin 1800). Cette paternité a été reprise dans un chansonnier intitulé la Gaudriole, chansonnier joyeux, facétieux et grivois, publié à Paris en 1849 chez les Frères Garnier. On y trouve une version qui ne comporte que 3 couplets:
Elle aime à rire, Elle aime à boire, Elle aime à chanter comme nous. | } | (bis) |
Elle aime à rire, Elle aime à boire, Elle aime à chanter comme nous. | } | (bis) |
Elle aime à rire, Elle aime à boire, Elle aime à chanter comme nous. | } | (bis) |
Cependant, tout cela semble plutôt relever de la légende.
En effet, la musique préexistait depuis plus de 50 ans. Le timbre est celui de Amour, laisse gronder ta mère: cet air ancien, répertorié sous le n°1073 de La Clé du Caveau de 1830 , est celui d'une ronde dont le refrain est: Elle aime à rire, elle aime à boire....
L'air avait déjà acquis une très large popularité, au point qu'il est mentionné dans plusieurs recueils du XVIIIe sous le titre "Elle aime à rire, elle aime à boire...".
Il figurerait également dans les Pont-Neuf du XVIIe siècle (mélodies utilisées par les chansonniers de l'époque). Nous n'avons pas pu consulter cet ouvrage, mais nous avons retrouvé une trace dès 1757 dans Les poésies de M. l'abbé de L'Attaignant, tome 3. C'est peut-être sa présence dans cet ouvrage qui a fait croire à certains qu'il s'agissait d'une chanson de l'Attaignant.
En voici la version de 1757 qui, le rythme assez curieux (probablement une faute du copiste!) mis à part, est fort proche de la nôtre.
Mais qu'en est-il des paroles ?
Là également, on les retrouve bien avant. Un ouvrage de Restif de la Bretonne, Les contemporaines communes, publié à Leipzig en 1790 alors que Napoléon n'était encore que Bonaparte, en mentionne deux couplets dont nous vous donnons ci-après le texte dans l'orthographe originale.
Pour la petite histoire, signalons que Fanchon est une fromagère et non pas une cantinière !
En continuant à remonter le temps, nous avons découvert dans le tome 1 du Recueil des plus belles chansons, publié en 1726 une version plus complète comptant 5 couplets que nous reproduisons ci-après.
En résumé, si le comte de Lasalle, toujours cité, est intervenu dans cette chanson, ce ne pourrait être que pour un minime ajout (couplet 2 et/ou 5?).
En 1858 dans les Chants et chansons populaires de France , les 3 premiers couplets mentionnés plus haut sont repris mais deux autres couplets sont venus s'imbriquer:
La mélodie de 1858 a évolué et correspond bien plus à l'air chanté actuellement.
Mentionnons une curiosité: dans l'Almanach Chantant galiniste, on la retrouve avec ces 5 mêmes couplets. L'air mentionné est le n°1073 de la Clef du Caveau. Il nous a toutefois été impossible de vérifier car la mélodie est notée avec une écriture totalement différente. Dans l'avertissement, les auteurs précisent: C'est du nouveau surtout, en ce que nos airs, sous le vêtement si simple et transparent de l'écriture en chiffres, se laissent comprendre et chanter avec une facilité merveilleuse, par quiconque possède les premières notions de la science musicale.
Cette curieuse notation est due à Pierre Galin, un professeur de mathématiques qui, rebuté par les traités musicaux, imagina un système de notation musical bien plus intuitif: les notes sont numérotées à partir de la tonique. Malheureusement, il ne récolta aucun succès; peut-être est-ce dû au fait que sa méthode de notation ne convenait que pour la voix qui n'émet qu'une seule note à la fois. Elle était malheureusement inadaptée pour les instruments qui permettent l'émission de plusieurs notes simultanées (piano, orgue, accordéon, guitare, etc.); de plus la notation du rythme semble assez compliquée.
Ci-contre, nous vous présentons la première page de la chanson, écrite à l'aide de cette notation chiffrée.
En conclusion, il est vraisemblable qu'effectivement la mélodie originale était bien celle de la clé du caveau, mais le timbre s'est très fortement modifié et déformé au fil des ans.
Signalons que ce même air a été utilisé dans plusieurs chants maçonniques.
Dès l'origine, allusion est faite au bouchon (nom populaire du cabaret) et Fanchon nous apparaît comme une cantinière. Mais après la guerre de 1870, cette chanson de soldats est devenue un air à boire: en témoigne la transformation en Bourguignon du parrain qui, à l'origine, était Allemand, ainsi que l'omission habituelle du couplet sur le voisin La Grenade.
D'après des notes de travail de l'édition 1984 des Fleurs du Mâle, Club-acacia,
Chansons nationales et populaires de France t.1 page 55 par Dumersan et Noël Ségur,
Chansons profanes utilisées par le chansonnier maçonnique
et recherches personnelles