Colette Renard
Dans ce répertoire généralement réservé à des interprètes masculins, on a pourtant vu quelques artistes féminines briser les préjugés et interpréter des chansons paillardes.
Citons pour le XXe siècle: Yvette Guilbert, Damia, Caroline Clerc, Marie-Thérèse Orain, Danièle Evenou, Liliane Patrick, mais surtout Colette Renard (de son vrai nom Colette Raget).
Cette grande chanteuse dont le nom restera attaché à la comédie musicale Irma la douce, musicienne, comédienne et actrice, est une de celles qui n'hésite pas à interpréter des chansons paillardes, gaillardes et libertines. Elle y est aidée par Guy Breton qui recueille, arrange - et parfois réécrit - de nombreuses chansons paillardes. Colette Renard nous les distille avec un talent sans pareil.
Dans sa discographie, on retrouve sous différents titres (Chansons très libertines, Chansons gaillardes de la vieille France, Chansons gaillardes et libertines du royaume de France, Poèmes libertins du temps présent,...) les principales chansons paillardes du folklore délicieusement chantées avec beaucoup d'humour.
Ah! vous dirais-je Maman
Arrangement : Xavier Hubaut
1. Ah! vous dirais-je Maman
A quoi nous passons le temps
Avec mon cousin Eugène
Sachez que ce phénomène
Nous a inventé un jeu
Auquel nous jouons tous les deux
2. Il m'emmène dans le bois
Et me dit: "Déshabille-toi!"
Quand je suis nue tout entière
Il me fait coucher par terre
Et de peur que je n'aie froid
Il vient se coucher sur moi
3. Puis il me dit d'un ton doux:
"Écarte bien tes genoux"
Et la chos' va vous fair' rire
Il embrass' ma tirelire
Oh! vous conviendrez, Maman,
Qu'il a des idées vraiment.
4. Puis il sort, je ne sais d'où,
Un p'tit animal très doux
Une espèc' de rat sans pattes
Qu'il me donne et que je flatte
Oh! le joli petit rat
D'ailleurs il vous l' montrera.
5. Et c'est juste à ce moment
Que le jeu commenc' vraiment
Eugèn' prend sa petit' bête
Et la fourr' dans une cachette
Qu'il a trouvée, le farceur,
Où vous situez mon honneur
6. Mais ce petit rat curieux
Très souvent devient furieux
Voilà qu'il sort et qu'il rentre
Et qu'il me court dans le ventre
Mon cousin a bien du mal
A calmer son animal
7. Complètement essoufflé
Il essaye de l' rattraper
Moi je rie à perdre haleine
Devant les efforts d'Eugène
Si vous étiez là Maman
Vous ririez pareillement
8. Au bout de quelques instants
Le p'tit rat sort en pleurant
Alors Eugèn' qui tremblote
Le r'met dans sa redingote
Et puis tous deux nous rentrons
Sagement à la maison
9. Mon cousin est merveilleux
Il connaît des tas de jeux
Demain soir sur la carpette
Il doit m'apprendr' la levrette
Si vraiment c'est amusant
J' vous l'apprendrai en rentrant.
10. Voici ma chère Maman
Comment je passe mon temps
Vous voyez je suis très sage
Je fuis tous les bavardages
Et j'écoute vos leçons
Je ne parl' pas aux garçons.
Chacun connaît la charmante comptine dont voici le texte du couplet le plus connu :
Ah! vous dirai-je, Maman,
Ce qui cause mon tourment ?
Papa veut que je raisonne
Comme une grande personne
Moi je sais que les bonbons
Valent mieux que la raison.
La célèbre mélodie a souvent été attribuée à Mozart. En fait, elle date 1761 et on la trouve dans "Les Amusements d'une Heure et Demy" de Mr. Bouin. Elle serait due à Cambra et à Rameau et se trouve notée dans la Clé du Caveau sous le n°25, donc une des plus anciennes mélodies.
Les premières paroles sont apparues en 1765 avec "Le faux Pas". En 1774 on publie, à Bruxelles, "La confidence naïve" et à Paris, vers 1780, "Les Amours de Silvandre" dont voici le texte.
1. Ah! vous dirai-je, Maman,
Ce qui cause mon tourment ?
Depuis que j'ai vu Silvandre,
Me regarder d'un air tendre;(1)
Mon cœur dit à chaque instant:
"Peut-on vivre sans amant ? "
2. L'autre jour, dans un bosquet,
De fleurs il fit un bouquet;
Il en para ma houlette
Me disant : "Belle brunette,
Flore est moins belle que toi;
L'amour moins tendre que moi."
(1)Sylvandre en amant habile,
Ne jouas pas l'imbécile,
3. Je rougis et par malheur
Un soupir trahit mon cœur.
Le cruel avec adresse,
Profita de ma faiblesse:
Hélas, Maman ! un faux pas
Me fit tomber dans ses bras.
4. Je n'avais pour tout soutien
Que ma houlette et mon chien.
L'amour, voulant ma défaite,
Ecarta chien et houlette;
Ah ! qu'on goûte de douceur,
Quand l'amour prend soin d'un cœur!(2)
(2)Quand l'amour unit deux cœurs.
(*) : variantes du manuscrit
Recueil d'Airs Choisis comme Brunêttes, Romances, Villageoises, Vaudevilles Rondes & Autres (1770-1790).
Dans Chansons nationales et populaires de France (1846) de Théophile Marion Dumersan, on retrouve à la page 285 les deux premiers couplets suivis de:
3. Étant faite pour charmer,
Il faut plaire, il faut aimer.
C'est au printemps de son âge
Qu'il est dit que l'on s'engage
Si vous tardez plus longtemps
On regrette ces moments.
4. Je rougis et par malheur
Un soupir trahit mon cœur.
Silvandre, en amant habile,
Ne joua pas l'imbécile:
Je veux fuir, il ne veut pas
Jugez de mon embarras.
5. Je fis semblant d'avoir peur,
Je m'échappai par bonheur;
J'eus recours à la retraite.
Mais quelle peine secrète
Se mêle dans mon espoir,
Si je ne peux le revoir.
6. Bergères de ce hameau,
N'aimez que votre troupeau,
Un berger, prenez-y garde,
S'il vous aime, vous regarde,
Et s'exprime tendrement,
Peut vous causer du tourment.
Quelques pages plus loin (page 310) figure une autre chanson intitulée Ah! le bel oiseau, Maman. L'air n'est pas cité et le thème est semblable. De plus, il peut être chanté sur le même timbre (en bissant les deux derniers vers).
Toutefois, un aimable correspondant me signale que l'air est différent. En effet, il est déjà mentionné dans la première édition (1811) de La clé du caveau sous le n°13 .
Ah! le bel oiseau, maman,
Qu'Alain a mis dans ma cage;
Ah! le bel oiseau maman,
Que m'a donné mon amant !
1. En cachette, hier au soir,
Nous sortîmes du village :
Suis·moi, si tu veux le voir,
Me dit-il, sous ce feuillage.
2. Pressons·nous, mon cher Alain ;
S'il s'échappait, quel dommage
Mon cœur bat, mets-y la main.
Le sien battait davantage.
3. Il me prit un doux baiser:
Alain, Alain, suis donc sage.
C'est, dit-il, pour préparer
Du bel oiseau le langage.
4. Il me presse de nouveau :
Je le tiens, dit-il, courage!
Le voici sous mon chapeau;
C'est le plus beau du village.
5. Il est à moi pour toujours:
Il chérit son esclavage;
C'est l'objet de mes amours,
J'en veux jouir sans partage.
A l'audition, on se rend compte de la différence : la structure est composée d'un refrain de 4 vers à rimes (masc, fém, masc, masc) et d'un couplet de 4 vers à rimes alternées (masc, fém) suivi du refrain.
Si Wolfgang Amadeus Mozart s'est vu attribuer la paternité de cette musique, c'est qu'il a composé : Variations sur "Ah vous dirais-je, Maman" (K. 265) en 1781-1782 (à l'origine daté en 1778), à Vienne, alors qu'il était âgé de 26 ans. Cette pièce a été écrite pour piano et est composée de 12 parties.
La mélodie a inspiré de nombreux musiciens. On retrouve des variations dans le 2e mouvement de la Symphonie Surprise de Haydn (1791). Il semble même que Beethoven a improvisé sur ce thème dans un concert donné à Prague en 1798.
Sur le même timbre, on chante également "Das ABC" ainsi que la version anglaise "Alphabet Song":
A, B, C, D, E, F, G
H, I, J, K, L, M, N, O, P
Q, R, S, T, U, V, W
Q, R, S, T, U, V, W
X, Y, Z, juche !
Das ist das deutsche ABC
A B C D E F G
H I J K L M N O P
Q R S T U V
W X Y and Z
Now I know my ABC
Next time would you sing with me
La version française de l' "Alphabet" est chantée sur l'air d'une des variations de Mozart.
Mentionnons également la célèbre chanson enfantine anglaise "Twinkle, Twinkle, Little Star" publiée à Londres en 1806.
La chanson de Colette Renard est à rapprocher de Ah ! Le bel oiseau, Maman mentionné plus haut, qui figure également dans le Le Chansonnier des joyeuses sociétés de 1854. Là encore, il n'est pas mentionné l'air sur lequel on l'interprète.
Signalons encore une version masculine intitulée La Confidence (Ah ! vous dirais-je, papa) parue en 1857 dans La nouvelle Gaudriole.
D'après diverses sources et notamment
The Distribution of a Melodic Formula: Diffusion or Polygenesis? par George List
Yearbook of the International Folk Music Council, v.10, (1978), pp. 33-52
ainsi que des recherches personnelles.
À la claire fontaine
Il y a longtemps que je baise,
Jamais, je ne m'arrêt'rai
1. A la claire fontaine,
Hier soir après dîner
Y' avait trois capitaines
Qui m'ont deshabillée.
2. Et là, sous la verdure,
Tous les trois à la fois
M'ont glissé leur nature
Dans tous les bons endroits.
3. Après les capitaines,
Vint le gentil meunier,
M'a pris la turlutaine
Et s'en est régalé.
4. Puis, ce fut le notaire
Passant sur le chemin
Qui me mit son affaire
Gentiment dans la main.
5. Après quoi, les gendarmes,
Vinr'nt vraiment polissons
Tous deux verser leurs larmes
Sur mon petit gazon.
6. Là, je vis sous la lune
Arriver le bedeau
Qui me dit: viens ma brune,
Fair' la bête à deux dos.
7. Puis, le maître d'école,
A son tour est venu
M'a glissé son obole
Dans l'abricot fendu.
8. Enfin, tout le village,
Par l'amour allèché,
Me fit un ramonage
Dont je me souviendrai.
9. Quell' bell' nuit pour un' femme,
Quel voluptueux gala
Car comme vous mesdames,
Je ne pense qu'à ça.
A propos des "trois capitaines" voir la remarque de En passant par la Lorraine.
Vous reconnaissez certainement la parodie d'une célèbre chanson française.
Cette chanson très populaire dans tous les coins de France (on la retrouve en Bretagne, en Lorraine, en Champagne, en Franche-Comté, dans le Dauphiné et évidemment à la côte atlantique) fut exportée au Canada au XVIIe siècle. Là-bas, elle était chantée par les coureurs des bois lors de longs voyages en canot, et a connu, paraît-il, plus de cinq cents versions différentes, tant pour le texte que pour l'air !
Bien que l'origine se perde dans la nuit des temps, la première version publiée l'aurait été par Ballard en 1704.
Vous y verrez beaucoup de sous-entendus, le bouton de rose (le pucelage), le rossignol (l'amant),...
Parmi les différentes versions existent également des versions féminines ainsi que masculines.
À la claire fontaine
À la feuilles d'un chêne,
Sur la plus haute branche,
Chante, beau rossignol,
Le mien n'est pas de même,
Pour un bouton de roses
Je voudrais que la rose
Et que le rosier même
Et que le planteur même
Et que mon ami Pierre,
|
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les mains m'y suis lavé
me les suis essuyées.
le rossignol chantait.
toi qui as le cœur gai.
mon amant m'a quittée,
que je lui ai refusé.
fût encore au rosier
fût encore à planter
ne fût pas encore né
fût encore à m'aimer.
|
La structure monorime atteste l'ancienneté de la chanson.
Il en est de même de la version masculine ce dessous.
En revenant de noces,
A la claire fontaine,
A la feuille d'un chêne,
A la plus haute branche,
Chante rossignol, chante ;
Le mien est en tristesse :
Pour un bouton de rose
Je voudrais que la rose
Et ma jeune maîtresse
|
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bien las, bien fatigué,
les mains j'ai lavées.
les mains je m'essuyai.
le rossignol chantait.
tu as le cœur en gai.
ma mie m'a quitté,
que lui ai refusé.
fût encore au rosier,
fût encore à m'aimer.
|
Contrairement aux apparences, ce chant possède un côté combattant et politique ; il se trouve très lié au Canada. La légende raconte que dès les premiers affrontements entre Anglais et Français sur la terre de la Nouvelle France, ce chant fut chanté par les soldats Français du marquis Louis de Montcalm. Ce dernier fut mortellement blessé le 13 septembre 1759 à cette bataille dans les plaines d'Abraham.
Lors de la révolte patriote 1837, menée par Louis-Joseph Papineau et William Lyon Mackenzie, A la claire fontaine fut un hymne officieux.
Mais cette révolte se solda par une victoire des Anglais ; 12 Canayens furent exécutés et le Québec ne fut pas libéré...
Peu avant cette fin tragique, il y a 170 ans, le 23 novembre 1837 se déroula le combat la bataille de Saint-Denis. Deux cents patriotes s'opposèrent aux Britanniques et remportèrent la seule victoire française de cette guerre.
Jules Verne a raconté ces événements dans l'ouvrage Famille-sans-nom.
Nous citons:
En ce moment, dans le silence de la nuit, une voix timbrée entonna cette vieille chanson du pays, qui est devenue, ainsi que le fait remarquer M. Réveillaud, un vrai chant national, il faut le dire, plutôt par l'air que par les paroles. Dans le chanteur, qui n'était autre que le patron de la cage, il était facile de reconnaître un Canadien d'origine française, rien qu'à son accent et à la façon très ouverte dont il prononçait la diphtongue "ai".
Et il chantait ceci:
En revenant des noces,
J'étas bien fatigué,
À la clare fontaine,
J'allas me reposer...
Sans doute, Jean reconnut la voix du chanteur, car il s'approcha de Pierre Harcher, au moment où le Champlain abattait avec ses avirons pour éviter la cage.
Terminons en citant Marius Barbeau:
"Cette chanson de métiers, dont les refrains varient avec les mélodies, est l'un des plus purs joyaux du répertoire populaire en France et au Canada.
Arrivée au Nouveau Monde avec les colons du XVIIe siècle, elle les a escortés partout dans leurs aventures et leurs labeurs.
Son rythme les a aidés à bâtir leurs demeures, à repousser les forêts, à défricher la terre, à accomplir les multiples travaux de la grange, de la boutique et de la maison..."
Nous vous présentons le premier couplet d'un enregistrement de 1943 par Georges Sauvé.
D'après: Claude Rassat, Club-Acacia et Wikipedia et
recherches personnelles.
Au clair de la lune
Arrangement : Xavier Hubaut
1. Au clair de la lune,
Mon ami Pierrot.
Prête-moi ta plume,
Mon mari est sot.
Sa chandelle est morte
Et manque de feu.
Ouvre-moi ta porte.
Pour baiser un peu.
2. Au clair de la lune,
Pierrot répondit :
Je garde ma plume
Pour baiser Nini.
Va chez la voisine,
Elle aim' s'amuser.
Elle est un peu gouine,
Elle a du doigté.
3. Mais chez la voisine
Y avait un mond' fou.
Des chambr's aux cuisines,
On baisait partout.
Et sur la pelouse,
Des gens distingués
Faisaient un' partouze:
C'était follement gai.
4. Au clair de la lune,
J'entrai dans le jeu.
Entourée de plumes,
C'était merveilleux.
J'en pris une belle
Sur un rayon d'or.
Ah ! quelle chandelle !
Je la sens encore !
5. Au clair de la lune,
Je fus au déduit (1).
Je pris tout's les plumes,
Oh ! la, la ! Quelle nuit !
Soufflées de la sorte,
Par le vent d'amour ;
Les chandell's sont mortes
Au lever du jour.
(1) déduit = occupation procurant du plaisir, plus particulièrement du plaisir amoureux.
Il s'agit évidemment de l'adaptation "gaillarde et libertine" de la chanson enfantine qui n'était pourtant peut-être pas innocente. Originaire de l'Ile-de-France et datant d'environ 1790, elle disait:
1. Au clair de la lune,
Mon ami Pierrot;
Prête- moi ta plume
Pour écrire un mot.
Ma chandelle est morte,
Je n'ai plus de feu,
Ouvre-moi ta porte
Pour l'amour de Dieu.
2. Au clair de la lune,
Pierrot répondit :
"Je n'ai pas de plume,
Je suis dans mon lit.
Va chez la voisine,
Je crois qu'elle y est
Car, dans la cuisine,
On bat le briquet."
3. Au clair de la lune,
L'aimable Lubin
Frappe chez la brune;
Ell' répond soudain :
"Qui frapp' de la sorte ?"
Il dit à son tour :
"Ouvrez votre porte
Pour le Dieu d'amour !"
4. Au clair de la lune,
On n'y voit qu'un peu.
On chercha la plume,
On chercha du feu.
En cherchant d'la sorte,
Je n'sais c'qu'on trouva
Mais j'sais que la porte
Sur eux se ferma.
Une controverse non élucidée: s'agit-il d'une plume ou d'une lume ?
Il semble, que la mot "lume" (lumière en vieux français) qui apparaissait dans les premières versions, a été remplacé au fil du temps par le mot "plume".
Cette hypothèse est étayée par plusieurs phrases: "ma chandelle est morte, je n'ai plus de feu", "on bat le briquet" donc il y a de la lumière et enfin "on chercha du feu" et pas de plume !
Par contre, d'autres ont une interprétation fort différente. En effet, "on bat le briquet" est une expression courante signifiant "on y fait l'amour". Dès lors on obtient une tout autre interprétation de la "plume"; "ma chandelle est morte, je n'ai plus de feu" prend également du sens, et surtout la fin "mais j'sais que la porte sur eux se ferma" laisse la porte "ouverte", si l'on peut dire, à bien des suppositions : que se passe-t-il une fois la porte fermée ?...
On trouve dans un recueil paru à Lyon en 1553 un couplet qui présente une forte ressemblance :
Las, je suis toute nue
Et si courte tenue
Que ne vous puis aider
Si faisait belle lune
J'écrirais d'une plume
Bon soir vous soit donné
Même si la chanson est réputée coquine, les paroles ci-dessus ne sont certes pas les plus courantes!
Quant à la musique, elle est généralement attribuée à Jean-Baptiste Lulli et serait construite à partir d'un air de ballet de Cadmus (1674). Toutefois, cette origine est fort controversée, mais quoi qu'il en soit, elle était à la mode depuis 1780.
D'autres sources pensent que son timbre provient d'un air de contredanse, apparu vers 1775 sous le titre de La rémouleuse et que cette chanson est une "voix-de-ville", c'est-à-dire une chanson créée dans les milieux urbains lettrés, qui ne s'étend dans les classes populaires et le répertoire enfantin que dans un second temps.
Dans l'opéra "Les Voitures versées" (Le Séducteur en voyage), de François Adrien Boieldieu (1820) on trouve de charmantes variations sur cet air.
Pierrot, qui a pour ancêtre Pedrolino, Pierro ou Piero, est au nombre des multiples valets qui peuplent la commedia dell'arte, apparu aux environs de 1547. Il est affublé d'un chapeau conique et d'un costume blancs, avec blouse ample et longue écharpe. Contrairement à certains de ses confrères de planches, il ne porte pas de masque : sa pâleur légendaire lui vient d'un visage enfariné jusqu'au bout des oreilles. La scie de Pierrot connaît un fort engouement dans les années 1820, reprise dans les opéras-comiques.
Avant de devenir une petite rêverie étourdie et lunaire, ce n'était en fait qu'une polissonnerie empreinte d'un certain érotisme en filigrane. "Battre le briquet" est une expression qui signifiait faire l'amour. Ainsi, la brune qui ouvre bien gracieusement sa porte à Lubin, joyeux luron présent chez Molière, semble une belle promesse de ce dieu d'amour...
D'après la Compagnie du Pestacle de Manosque,
Anthologie des Chants Populaires Français, t. 4 page 142 de Joseph Canteloube,
Chansons Nationales et Populaires de France, t.1 page 266 de Th.M. Dumersan et N. Ségur
et Aux sources des chansons populaires de Martine David et Anne-Marie Delrieu.
La puce
Paroles : Charles-Alexis Piron (1689-1773)
Musique : André-Joseph Exaudet (1710-1752)
Mp3 : La puce (Voix de Traverse)
Arrangement : Xavier Hubaut
Au dortoir,
Sur le soir,
La sœur Luce,
En chemise et sans mouchoir,
Cherchant du blanc au noir
À surprendre une puce.
À tâtons,
Du téton,
À la cuisse
L'animal ne fait qu'un saut
Ensuite un peu plus haut
Se glisse.
Dans la petite ouverture,
Croyant sa retraite sûre,
De pincer,
Sans danger,
Il se flatte.
Luce pour se soulager
Y porte un doigt léger
Et gratte.
En ce lieu,
Par ce jeu,
Tout s'humecte
À force de chatouiller
Venant à se mouiller
Elle noya l'insecte.
Mais enfin,
Ce lutin,
Qui rend l'âme,
Veut faire un dernier effort.
Luce grattant plus fort
Se pâme.
Chanson très représentative du répertoire et de l'esprit du Caveau fondé en 1726.
Charles-Alexis Piron est un chansonnier bourguignon né à Dijon. Il excellait dans les épigrammes; c'est à lui qu'est due, en parlant de l'Académie cette célèbre phrase féroce: "Ils sont quarante qui ont de l'esprit comme quatre !"
Le ton badin de cette Puce et sa versification très rigoureuse (alternance des rimes masculines et féminines) en font un petit chef d'œuvre littéraire et contribuent à "faire passer" de manière toute naturelle l'audace d'un propos fort révélateur, par ailleurs, de l'esprit libertin qui régnait sous la Régence.
Quant au Menuet d'Exaudet (violoniste et compositeur), on estime qu'il servit de timbre à plus de 200 chansons de tous styles.
La chanson se trouve dans La Gaudriole de 1849 où l'air est mentionné sous le titre "Point de bruit".
D'après L'Anthologie de la Chanson Française de Marc Robine.et
recherches personnelles.
Le doigt gelé
Paroles: Octave Pradels
Arrangement : Xavier Hubaut
1. Cet hiver, par un froid intense,
Rentrant chez lui tout accablé,
À sa femme, il dit: "Mon Hortense,
Je crois que j'ai le doigt gelé.
Tiens, regarde, il est insensible;
Va, plus d'espoir, il est bien mort!"
"Mon ami, ce serait horrible!
Peut-être bien qu'il vit encore."
| } | (bis) |
2. Mais le doigt, misérable tige,
N'était plus, piteux, racorni,
Qu'un souffle, un rien, moins qu'un vestige,
Et, Nini, c'était bien fini
L'épouse s'écria plaintive:
"Si tu le frictionnais fort?
Tiens, voici de l'eau sédative,
Peut-être bien qu'il n'est pas mort
| } | (bis) |
3. L'eau n'y fit rien. La pauvre femme
Se lamentait dans sa douleur.
"Si tu le réchauffais à la flamme?
Ce qu'il lui faut, c'est la chaleur!
Approche donc. Quoi, tu recules?
Poltron ! Que l'angoisse me tord!
Comprends bien que si tu te brûles
Ça prouvera qu'il n'est pas mort."
| } | (bis) |
4. Toujours rien. En vain ils varient
L'eau, le feu, le chaud, le froid.
Il essaya le bain-marie ;
Rien ne ranimait plus le doigt.
"Ah!", fit l'épouse toute blême,
"Il me resterait un remords
Si je n'essayais pas moi-même
De m'assurer qu'il est bien mort."
| } | (bis) |
5. Oh, la femme, l'être adorable
Pétrie de grâce et de bonté!
Chacune en sa foi secourable
Est un masseur de charité.
Elle massa, mais avec rage,
Car stérile fut son effort,
Pendant qu'il murmurait: courage!
Peut-être bien qu'il n'est pas mort.
| } | (bis) |
6. Lasse de la besogne aride
Elle lâchait le doigt transi,
Qui s'obstinait, morne et rigide,
Quand soudain son front s'éclaircit.
"Sommes-nous nigauds tout de même!
La flamme n'y peut rien, d'accord,
Mais il est un moyen suprême
De s'assurer qu'il est bien mort !"
| } | (bis) |
7. On n'entendit plus, dans la chambre,
Rien, sinon des mots encourageants
Que la victime de décembre
Bégayait sur des tons changeants.
Et tout à coup l'épouse émue
S'écria: "Mon ami Victor,
Béni soit le ciel: il remue!
Ah, quel bonheur! Il n'est pas mort!" | } | (bis) |
8. Maris, méditez cette histoire:
Le doigt peut vous geler demain.
Vous avez, la chose est notoire,
Le remède exquis sous la main.
Le feu, cet élément du diable,
Peut vous rendre un peu votre essor.
Mais le cul d'une femme aimable
Est mille fois plus chaud encor'.
| } | (bis) |
Octave Pradels, poète et romancier, est né à Arques en 1842 et mort à Paris en 1930. Il écrit des chansons, des monologues et des opérettes. Il fréquente le célèbre cabaret du Chat Noir. Il dirige le théâtre des Capucines, situé à Paris sur les grands boulevards (ce théâtre a fermé ses portes en 1970).
Le doigt gelé est une des meilleures parodies du Pendu (de Saint-Germain) de MacNab.
Cet air, qui était fort à la mode dans les cabarets parisiens est également repris dans La Semaine
Le Roi de Provence
1. C'était un roi
De Provence je crois
Mais des pédales, hélas, était la reine
Et sans arrêt
Avec un beau toupet
Il entrait dans le vif de ses sujets
Au grand salon
Douze pages blonds
Formaient sa cour tout en demeurant bien sages
Mais le seigneur
Etait grand lecteur
Il aimait bien tourner les pages
2. On l'accusa
De diriger l'état
Avec quelques beaux mignons peu farouches
Un jardinier
Ministre fut nommé
Sans avoir le temps de se retourner
On dit encore
Qu'au camp du Drap d'Or
Il s'en alla tout joyeux planter ses tentes
Mais cependant
On peut dire vraiment
Que son histoire soit sans fondement.
L'entrevue du Camp du Drap d'Or entre François 1er et Henri VIII eut lieu du 7 au 24 juin 1520; le roi d'Angleterre resta neutre face à Charles Quint.
La chanson reprend le célèbre timbre de la Marche de Turenne. Cependant, les spécialistes estiment que cette chanson était bien plus ancienne. Cette mélodie se retrouve également sous le titre Marche des rois chantée à l'Epiphanie en Provence. Georges Bizet l'a également utilisée dans l'ouverture de l'Arlésienne.
Malbrough s'en va-t-en guerre
Arrangement : Xavier Hubaut
1. Malbrough s'en va-t-en guerre
Mironton mironton mirontaine
Malbrough s'en va-t-en guerre
Ne sait quand baisera
Sa femme qui reste là
Avec son pauvre chat
2. Je te baiserai à Pâques
Mironton mironton mirontaine
Je te baiserai à Pâques
Ou à la Trinité
Dit-il d'un air navré
Avant de la quitter
3. Puis il partit combattre
Mironton mironton mirontaine
Puis il partit combattre
Laissant dans son château
La belle toute en sanglots
D'avoir le cul si chaud
4. Comme elle était fidèle
Mironton mironton mirontaine
Comme elle était fidèle
Elle repoussa du pied
Valets et officiers
Qui voulaient la baiser
5. Pendant dix-huit semaines
Mironton mironton mirontaine
Pendant dix-huit semaines
Madame Malbrough la sotte
Se caressa la motte
Avec une carotte
6. Mais un jour un beau page
Mironton mironton mirontaine
Mais un jour un beau page
Arriva de l'armée
Afin de l'informer
D'une triste vérité
7. Pris par les infidèles
Mironton mironton mirontaine
Pris par les infidèles
Malbrough venait d'être châtré
Lors sa femme atterrée
Se mit à sangloter.
8. Qu'a-t-on fait de la chose
Mironton mironton mirontaine
Qu'a-t-on fait de la chose
Qui servait à baiser
Et qu'on vient de lui couper
Le page dit: écoutez.
9. Je l'ai vue porter en terre
Mironton mironton mirontaine
Je l'ai vue porter en terre
Par quatre-z-officiers
Qui l'avaient déposée
Dans un grand drap doré.
10. A ces mots la châtelaine
Mironton mironton mirontaine
A ces mots la châtelaine
Se mit à jubiler
Et vive la liberté
Plus de raison de me gêner
Puis elle appela l'armée.
11. Et par trente officiers
Quarante-deux canonniers
Cent trente-cinq chevaliers
Deux cents trente cuirassiers
Trois cents six grenadiers
Six cents vingt non-gradés
Elle se fit enfiler.
Sur la pochette du disque de Colette Renard, on lit que D'après certains historiens, cette chanson fut, à son origine, une satire un peu grivoise composée sur un chevalier bien pourvu par la nature et que l'on avait surnommé pour cette raison Membru. Par la suite Membru devint Malbrough. Si non è vero, è ben trovato !
A propos de l'air, Marlbrough s'en va-t-en guerre (Mort et convoi de l'invincible Malbrough) est une chanson française dont les paroles datent du XVIIIe siècle. L'air est probablement plus ancien encore. Il aurait, d'après Chateaubriand, été emprunté aux Arabes durant les croisades. La mélodie a été adaptée par les Britanniques avec le refrain suivant : "For he's a jolly good fellow...". Ce chant aurait été le premier chant européen transmis aux aborigènes d'Australie d'après le folkloriste australien John Meredith.
Son protagoniste est John Churchill, le premier Duc de Marlborough. Il a d'ailleurs laissé son nom au Château de Malbrouck / Schloss Meinsberg, en Lorraine.
Contrairement à ce que laissent supposer les paroles de la chanson, chantée par les Français pour railler un ennemi, Churchill ne fut que blessé lors de la bataille de Malplaquet (11 septembre 1709) à laquelle il est ici fait référence. Mais l'aspect burlesque, annoncé par le "Mironton, mironton, mirontaine" du refrain, ne se révèle précisément que dans les derniers couplets où il est question d'un convoi funèbre.
Connu à partir de 1781, ce chant était une comptine destinée au premier dauphin de Louis XVI par sa nourrice Geneviève Poitrine. Sa reprise par Marie-Antoinette au clavecin la popularisa.
D'après Bernard Cousin, Les illustrations des chansons d'enfants et
Wikipedia.
Les trente brigands
Arrangement : Xavier Hubaut
1. Ils étaient vingt ou trente
Brigands dans une bande
Chacun sous le préau
Voulait m' toucher -- vous m'entendez ?
Chacun sous le préau
Voulait m' toucher un mot
2. Un beau jour sur la lande
L'un d'eux se fit très tendre
Et d'un petit air guilleret
Vint me trousser -- vous m'entendez ?
Et d'un petit air guilleret
Vint me trousser un couplet
3. Comme j'étais dans ma chambre
Un matin de septembre
Un autre vint tout à coup
Pour me sauter -- vous m'entendez ?
Un autre vint tout à coup
Pour me sauter au cou
4. Un soir dans une fête
Un autre perdit la tête
Et jusqu'au lendemain
Voulut m' baiser -- vous m'entendez ?
Et jusqu'au lendemain
Voulut m' baiser les mains
5. Le vent soulevait ma robe
Quand l'un d'eux d'un air noble
S'approcha mine de rien
Et caressa -- vous m'entendez ?
S'approcha mine de rien
Et caressa mon chien
6. Comme je filais la laine
Un autre avec sans-gêne
Sans quitter son chapeau
Vint me p'loter -- non mais, vous m'entendez?
Sans quitter son chapeau
Vint me p'loter mon écheveau
7. Comme j'étais à coudre
Ils rappliquèrent en foule
Et voulaient les fripons
Tous m'enfiler -- vous m'entendez ?
Et voulaient les fripons
M'enfiler mon coton.
8. Celui qui sût me prendre
C'est un garçon de Flandre
Un soir entre deux draps
Ce qu'il me fit -- vous m'entendez
Un soir entre deux draps...
Je n' vous le dirai pas.
Il s'agit évidemment d'une parodie de la célèbre "Complainte de Mandrain", reprise par de très nombreux artistes depuis Yves Montand et Guy Béart jusqu'au duo Faudel-Bernard Lavilliers, François Hadji-Lazaro ou encore La Varda. Citons également une des plus remarquables interprétations, celle due au Quartet de Lyon .
1. Nous étions 20 ou 30
Brigands dans notre bande,
Tous habillés de blanc
A la mode des... vous m'entendez,
Tous habillés de blanc
A la mode des marchands.
2. La première volerie
Que je fis dans ma vie,
C'est d'avoir goupillé
La bourse d'un... vous m'entendez,
C'est d'avoir goupillé
La bourse d'un curé.
3. J'entrai dedans sa chambre
Mon Dieu qu'elle était grande
J'y trouvai 1 000 écus
Je mis la main... vous m'entendez,
J'y trouvai 1 000 écus
Je mis la main dessus.
4. J'entrai dedans une autre,
Mon Dieu qu'elle était haute
De robes et de manteaux
J'en chargeai trois... vous m'entendez,
De robes et de manteaux
J'en chargeai trois chariots.
5. Je les portai pour vendre
A la foire en Hollande
J'les vendis bon marché
Ils n'm'avaient rien... vous m'entendez,
J'les vendis bon marché
Ils n'm'avaient rien coûté.
6. Ces Messieurs de Grenoble
Avec leurs longues robes
Et leurs bonnets carrés
M'eurent bientôt... vous m'entendez,
Et leurs bonnets carrés
M'eurent bientôt jugé.
7. Ils m'ont jugé à pendre,
Ah ! c'est dur à entendre
A pendre et étrangler
Sur la place du ... vous m'entendez,
A pendre et étrangler
Sur la place du marché.
8. Du haut de ma potence
Je regardai la France
Je vis mes compagnons
A l'ombre d'un ... vous m'entendez,
Je vis mes compagnons
A l'ombre d'un buisson.
9. Compagnons de misère,
Allez dire à ma mère
Qu'elle ne m'reverra plus,
J'suis un enfant ... vous m'entendez,
Qu'elle ne m'reverra plus,
J' suis un enfant perdu.
Louis Mandrin, né en 1724 à Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs dans le Dauphiné, est un bandit de grand chemin.
Après avoir servi dans l'armée, il déserte, et organise la contrebande du tabac aux frontières de la Savoie, en compagnie d'une petite troupe de déserteurs (payée régulièrement)!
Comme il ne s'attaquait qu'aux fermiers généraux (les percepteurs de l'époque), il acquiert une grande popularité et le soutien d'une large partie de la population révoltée par les abus commis au nom du roi.
Il réussit à vaincre à plusieurs reprises les troupes royales chargées de l'arrêter
Finalement, arrêté, il meurt, roué vif et étranglé, à Valence le 26 mai 1755.
Pourtant, la complainte d'origine ne s'applique guère à lui: en effet Mandrin, que l'on sache, n'a jamais volé de curé et il n'a pas été pendu à Grenoble comme le dit la chanson. En réalité, c'est à Valence qu'il fut jugé et mis à mort.
Il eût fallu écrire "Du haut de ma potence, je regardai Valence" mais le poète a préféré amplifier et écrire : je regardai la France...
Quant au timbre de celle-ci, il est tiré d'un opéra de Rameau, Hippolyte et Aricie daté de 1733.
D'après Le Livre des Chansons de France de Roland Sabatier
et l'Anthologie de la Chanson Française de Marc Robine.
La forme de la version recueillie par Guy Breton est à rapprocher de celle de La jeune fille du métro; la fin des phrases n'est pas toujours celle qu'on attend (quand on a l'esprit mal tourné, bien entendu). On la retrouve déjà au XVIIe dans Madeleine et dans A frère Jean Tibaut paru en 1607 !
Les deux sœurs
ou Le cas de conscience
air : Je vous prêterai mon manchon (de Laujon)
1. Zoé, de votre sœur cadette
Que voulez-vous ? Entre deux draps
Que sans chemise je me mette ?
Fi, ma sœur, vous n'y pensez pas !
Mais à vos fins vous voilà parvenue
Et vous baisez ma gorge nue
Vous me tiraillez
Vous me chatouillez
M'émoustillez
2. Pour vous en prendre à notre sexe
Avez-vous mis l'autre aux abois ?
C'est peu que votre main me vexe
Vous usez pour vous de mes doigts
La tête aux pieds la voilà qui se couche
Ciel où mettez-vous votre bouche
Ah ! Pour une sœur
Quelle noirceur !
Quelle douceur !
Mais au fond ce n'est rien
Je me sens bien
Au fond ce n'est rien
3. Rougirions-nous, je le demande,
Si nos amants pouvaient nous voir ?
Pourtant il faut que je vous rende
Le plaisir que je viens d'avoir.
Je m'enhardis car jamais que je sache
Je n'ai baisé d'homme à moustache.
Ah ! nous jouissons
Et des garçons
Nous nous passons.
Cette chanson, dont le titre original est Les deux sœurs ou le cas de conscience est due à Pierre-Jean Béranger. Elle comporte une quatrième couplet qui a disparu dans la version chantée par Colette Renard.
Manque de place ou peur de dénoncer l'hypocrisie du clergé ? Le voici dans son intégralité:
Aquarelle de Rojan in
Béranger, Chansons Galantes,
éditions de la Belle Etoile, 1937.
4. Ne croyez pas que je contracte
Ce goût déjà trop répandu :
C'est bon pour amuser l'entr'acte
Quand le grand acteur est rendu.
Ce que je crains, ô sœur trop immodeste,
C'est d'avoir commis un inceste !
Peut-être est-ce un cas
Dont nos prélats
Ne parlent pas
Car au fond ce n'est rien,
Je le sens bien ;
Car au fond ce n'est rien.
La mère Michel
Arrangement : Xavier Hubaut
1. C'est la mère Michel
Qui a montré son chat
En criant par la fenêtre
Qui donc me le prendra
Et c'est le père Lustucru
Qui lui a répondu
J'arrive la mère Michel
J'aime les chats poilus
Sur l'air du tru lu lu lu
Sur l'air du tru lu lu lu
Sur l'air du tru déri déru
Tru lu lu
2. Alors la mère Michel
Lui a donné son chat
En disant ce minet
A mangé beaucoup de rats
Mais la chaude luronne
S'écria tout à coup:
Sortez, père Lustucru,
Mon chat n'aime pas le mou
Sur l'air du trou lou lou lou
Sur l'air du trou lou lou lou
Sur l'air du trou déri dérou
Trou lou lou
3. Le père Lustucru
Se retira furieux
En disant j'ai un rat
Pour les chats coléreux
La mère Michel lui dit
Avec ton rat pla-pla
Il n'y a vraiment pas
De quoi fouetter mon chat
Sur l'air du tra la la la
Sur l'air du tra la la la
Sur l'air du tra déri déra
Tra la la
A la base,cette chanson est déjà coquine, car "perdre son chat"... ; dans cette version Guy Breton a rendu les choses plus explicites.
La chanson est déjà à la mode en 1820 (avec d'autres paroles, bien entendu).
C'est la mère Michel
Qui a perdu son chat
Qui crie par la fenêtr',
Qui c'est qui lui rendra ?
Et l' compèr' Lustucru
Qui lui a répondu :
"Madame la Mère Michel,
Vot' chat n'est pas perdu !"
Sur l'air du tra la la la la (bis)
Sur l'air du tra déri déra
Tra la la !
C'est la mère Michel
Qui lui a demandé :
"Mon chat n'est pas perdu !
Vous l'avez donc trouvé ?"
Et l' compèr' Lustucru
Qui lui a répondu :
"Donnez un' récompense
Il vous sera rendu ! "
Sur l'air du tra la la la la (bis)
Sur l'air du tra déri déra
Tra la la !
Et la mère Michel
Lui dit : "C'est décidé,
Rendez-le moi mon chat,
Vous aurez un baiser."
Le compèr' Lustucru
Qui n'en a pas voulu
Lui dit : "Pour un lapin
Votre chat est vendu !"
Sur l'air du tra la la la la (bis)
Sur l'air du tra déri déra
Tra la la !
L'air est plus ancien et serait celui d'une chanson de marche en l'honneur de Catinat, l'un des meilleurs capitaines de Louis XIV, datée de 1693 ; la chanson, popularisée par le théâtre de marionnettes vers 1820, a été assortie d'un refrain :
Sur l'air du tralala (bis)
Sur l'air du tradéridéra
Et tralala "...
L'air est noté au N.22 de la Clé du Caveau.
D'après Le Livre des Chansons de France de Roland Sabatier
et Romances sans paroles de Christian Hervé.
Les mœurs
1. Mes chers amis respectons la décence,
Ce mot tout seul vaut presque une chanson;
Sans équivoque et surtout sans licence,
Je vais parler de l'amant de Lison:
Le drôle un jour d'un ton fait pour séduire,
Lui débitait de lubriques horreurs.
Ce qu'il disait, je pourrais vous le dire;
Mais je me tais par respect pour les mœurs.
2. Sachez que Lise est une fille honnête,
Qui se choqua d'un pareil impromptu;
Mais au vaurien ne vint-il pas en tête
De pénétrer le fond de sa vertu !
Sein ferme et blanc ne saurait lui suffire;
Déjà deux doigts sont en besogne ailleurs.
Ce qu'ils y font, je pourrais vous le dire;
Mais je me tais par respect pour les mœurs.
3. Au bord du lit sur le nez il la pousse,
Et bravement l'attaque par le dos;
Lise indignée en sentant qu'il la trousse,
Sans doute alors se livrait aux sanglots;
Dans ce cœur tendre aussitôt ce satyre
Enfonce, enfonce un long sujet de pleurs.
Ce que c'était, je pourrais vous le dire;
Mais je me tais par respect pour les mœurs.
4. Long tems, encor, Lison, dans sa posture,,
A tour de reins se débat vivement.
On me dira que c'était par luxure;
C'est par vertu, moi j'en fais le serment,
Or, pour six mois, sa vertu sut réduire
L'insolent même à pleurer ses erreurs.
Ce qu'il gagna je pourrais vous le dire;
Mais je me tais par respect pour les mœurs.
Il s'agit d'un poème de Pierre-Jean de Béranger que l'on retrouve dans L'œuvre libertine des poètes du XIXe siècle ainsi que dans le Supplément aux œuvres complètes, tome 5 paru en 1834.
La demoiselle
1. Que c'est bon d'être demoiselle
Car le soir dans mon petit lit
Quand l'étoile Vénus étincelle
Quand doucement tombe la nuit
2. Je me fais sucer la friandise
Je me fais caresser le gardon
Je me fais empeser la chemise
Je me fais picorer le bonbon
3. Je me fais frotter la péninsule
Je me fais béliner le joyau
Je me fais remplir le vestibule
Je me fais ramoner l'abricot
4. Je me fais farcir la mottelette
Je me fais couvrir le rigondonne
Je me fais gonfler la mouflette
Je me fais donner le picotin
5. Je me fais laminer l'écrevisse
Je me fais fouailler le cœur fendu
Je me fais tailler la pelisse
Je me fais planter le mont velu
6. Je me fais briquer le casse-noisettes
Je me fais mamourer le bibelot
Je me fais sabrer la sucette
Je me fais reluire le berlingot
7. Je me fais gauler la mignardise
Je me fais rafraîchir le tison
Je me fais grossir la cerise
Je me fais nourrir le hérisson
8. Je me fais chevaucher la chosette
Je me fais chatouiller le bijou
Je me fais bricoler la cliquette
Je me fais gâter le matou
9. Et vous me demanderez peut-être
Ce que je fais le jour durant
Oh! cela tient en peu de lettres
Le jour, je baise, tout simplement.
Après cette La demoiselle qui manie avec grâce tant de synonymes qui ont certainement enrichi votre vocabulaire, un aimable correspondant nous a présenté une version "soft", dont nous ignorons l'auteur, que nous reproduisons ci-après.
1. Qu'il bon d'être demoiselle
Car le soir sur mon petit lit
Quand l'étoile, Vénus étincelle
Quand sur Paris tombe la nuit
2. Je m' fais doucement conter fleurette
Je m' fais murmurer des mots doux
Je m'amuse à jouer les coquettes
Je m'amuse à rendre jaloux
3. J' me faire dire que l'on m'aime
Je me faire jurer "amour toujours"
Je me faire lire des poèmes
Puis je fais baisser l'abat-jour
4. Je me faire faire dans l'oreille
Des zigouzigous merveilleux
Et ces caresses sans pareil.
Ont des prolongements délicieux.
5. Je me fais retirer ma gourmette
Je me fais baiser dans le cou
Je me fais friper la collerette
Je me fais caresser les genoux
6. Je m' fais chiffonner le corsage
Ils en perdent un peu la raison
Je m' laisse faire des tatouages
Je m' fais friper les jupons
7. Je m' fais faire du bouche à bouche
A en perdre la respiration
Et lorsque nos lèvres se touchent
J'en vois trente six constellations
8. Je m' fais retrousser mes dentelles
Je me fais embrasser partout
Mais j'interdis la bagatelle
Je me fais tout faire sauf tout
9. Mais vous me demanderez peut-être
Ce que je fais le jour durant
Cela tient en peu de lettres
Le jour, "je flirte", tout simplement...